jeudi 29 novembre 2007

La conférence de Curitiba (Brésil), du 15 au 19 septembre 2007



Compte-rendu de Gildas Bourdais



J’ai eu la chance d’être invité au Brésil comme conférencier à la conférence annuelle de Curitiba, du 15 au 19 septembre, en remplacement de Jacques Patenet qui était invité mais n’a pu s’y rendre. J’y ai parlé, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois cette année (en Italie, à Saint-Marin, et aux Etats-Unis, à Roswell puis à Washington) de la relance de l’ufologie officielle en France. J’ai été également invité à parler de Roswell, en remplacement de Stanton Friedman, lui aussi indisponible. Incidemment, c’était ainsi la troisième fois cette année que je " remplaçais " Jacques Patenet, mais j’ai bien précisé chaque fois que c’était en tant qu’auteur indépendant. Toutefois, Yves Sillard avait approuvé mon texte.

Vue aérienne de Curitiba

Curitiba est une belle ville de plus d’un million d’habitants, proche de la côte atlantique, à mi-chemin entre Rio de Janeiro et Buenos Aires, mais cette conférence était loin d’avoir l’importance et l’impact médiatique de celle qui s’était tenue quelques jours plutôt à Washington D.C., le 12 novembre, au National Press Club. Cependant, cette conférence, intitulée bravement " Second Forum Mondial d’Ufologie ", a été une belle réunion de participants de plusieurs pays d’Amérique du Sud – Brésil, Uruguay, Chili, Pérou, auxquels se sont joints des conférenciers américains et européens. Le projet des organisateurs était de faire le point sur les études " officielles ", ou proches de services officiels, dans ces différents pays, et l’on peut dire qu’ils ont bien atteint cet objectif. L’assistance était assez nombreuse, avec 300 à 400 participants selon les jours, et il convient de souligner l’ambiance cordiale et positive qui a prévalu, aussi bien entre les intervenants et les organisateurs que de la part du public. Je n’ai pas pu suivre tous les exposés, ne comprenant pas le portugais, mais un peu l’espagnol, suffisamment pour en retenir essentiellement ceci : l’ufologie se porte assez bien dans ces pays d’Amérique du Sud. Cela est dû, me semble-t-il, à une forte présence des ovnis dans ces pays, notamment ces dernières années.

Citons d’abord, parmi les orateurs brésiliens :

  • Le Dr Carlos Alexandre Wuenche et le Dr Ronaldo Rogério de Freitas Mourão, deux astrophysiciens qui ont parlé de la recherche de la vie extraterrestre ;
  • Le Dr Ricardo Varela, informaticien, qui a parlé des erreurs d’interprétation en ufologie ;
  • Rafael Cury, organisateur de la conférence avec Marco Antonio Petit et Ademar José (" A.-J. ") Gevaerd, qui ont présenté des aspects importants de l’ufologie au Brésil.

Pour les autres pays, ce sont principalement :

  • Le général Ricardo Bermudez et le professeur Ricardo Fuenzalida, pour le Chili ;
  • Le colonel Ariel Sanchez pour l’Uruguay ;
  • Le Dr Anthony Choi pour le Pérou ;
  • Le Dr Richard Haines pour les Etats-Unis ;
  • Nick Pope pour la Grande-Bretagne, et moi pour la France.

Photo de groupe des conférenciers

Tous ces intervenants ont fait des exposés solides sur l’ufologie dans leurs pays, en l’illustrant de cas souvent très intéressants, dont je vais essayer de donner quelques exemples. Mentionnons, d’emblée, le témoignage de Nick Pope et du Dr Anthony Choi, qui venaient de faire partie du panel de Washington et qui en ont fait un compte-rendu très apprécié.

Le Dr Anthony Choi (Pérou) et Nick Pope (Grande-Bretagne)

Le Dr Richard Haines, un ancien responsable à la NASA du service des " facteurs humains dans l’espace " (Space Human factors Office), est aujourd’hui responsable scientifique du NARCAP (National Aviation Reporting Center on Anomalous Phenomena), groupe privé d’étude des observations aériennes, et tout spécialement des questions de sécurité. Sa plus récente étude est celle de l’observation supposée d’un ovni au dessus de l’aéroport O’Hare à Chicago, le 7 novembre 2006, qui avait eu un certain retentissement médiatique. L’étude complète, de 150 pages, est publiée sur le site du NARCAP , et il vient de la résumer dans la revue IUR (International UFO Reporter, Vol. 31 No 3). Il n’en a pas parlé à Curitiba, mais il a en revanche évoqué toute une série de cas remarquables, dont certains sont connus mais d’autres beaucoup moins, dans différents pays. Parmi les cas les plus impressionnants, citons celui d’un pilote civil mexicain, Carlos Antonio de los Santos Montiel, confronté à trois petits ovnis en forme de soucoupes, le 3 mai 1975, qui vinrent se placer autour de son avion Piper PA-24 et le mirent en difficulté. Ce cas est exposé également sur le site web du NARCAP : http://www.narcap.org/

L’opinion globale du NARCAP est, à l’instar du rapport " Condign " britannique que Richard Haines a cité, que les ovnis ne semblent pas menacer les avions. Ils recommandent au pilotes de garder leur sang froid, mais reconnaissent cependant qu’il leur faut parfois faire des manœuvres brutales d’évitement, dans les cas de near miss, c’est à dire de collision évitée de peu. Richard Haines a d’ailleurs cité, pour finir, un cas d’accident qui semble bien dû à une collision avec un ovni, aux Etats-Unis. Le 23 octobre 2002, un petit avion de transport de courrier Cessna 208B Grand Caravan s’est écrasé près de Mobile, dans l’Alabama, après que le pilote ait signalé par radio la proximité d’un ovni, l’obligeant à dévier de sa route. On a retrouvé l’avion coupé en deux, avec des traces de matériau non identifié, alors qu’il était tombé dans un marécage qui ne pouvait produire un tel effet. Ainsi, pour Richard Haines et le NARCAP, la question de la sécurité aérienne, lors de rencontres avec des ovnis, reste bien posée, et ils font une série de recommandations à ce sujet, à commencer par l’établissement d’une norme internationale de rapport d’incident aérien.

Nick Pope, A.-J. Gevaerd, moi et Richard Haines

Le professeur Rodriguo Fuenzalida, du Chili, président de l’AION, groupe d’investigations ufologiques, a présenté de nombreux documents photographiques et vidéo, montrant une variété d’ovnis, depuis des formes classiques jusqu’a des apparitions étranges, presque fantomatiques, que n’ont pas remarqué les témoins mais qui apparaissent sur les photos. Il a aussi évoqué des cas d’interaction entre ovnis et témoins. Une vidéo des plus remarquables montre un ovni, de forme rectangulaire, qui semble s’enfoncer graduellement dans l’eau, non loin d’un rivage. On voit que, bien qu’il soit sociologue de profession, Rodrigo Fuenzalida ne craint pas d’étudier les cas les plus étranges, et n’est pas du tout sur la ligne, prudente et ambigüe, d’un Pierre Lagrange en France. Il m’a dit d’ailleurs qu’il avait bien apprécié ma présentation de l’ufologie française, dont je n’ai pas caché les difficultés.

Rodriguo Fuenzalida.

Le général Ricardo Bermudez, du Chili.

Le colonel Ariel Sanchez, d’Uruguay.

Le général Ricardo Bermudez, également du Chili, a créé en 1998 l’organisme officiel, à la fois militaire et civil, chargé d’enquêter sur les ovnis, appelé le CEFAA (Comite de Estudios de Phenomenos Aeros Anomalos). Son opinion sur les ovnis est on ne peut plus claire : "Personne au monde ne peut nier l’existence des ovnis ". A mon avis, avec une telle déclaration, il n’est pas près d’être invité sur une de nos " grandes " chaines de télévision nationales. Il a exposé, notamment, un cas de rencontre aérienne avec un ovni, et a fait écouter l’enregistrement du dialogue du pilote avec la tour de contrôle. Il a signalé, d’autre part, de nombreuses observations d’ovnis dans le désert d’Atacama, au nord du Chili.

Le général Bermudez s’est félicité des contacts qu’il avait pu nouer avec d’autres pays, notamment avec l’Uruguay, et la France à l’époque du SEPRA. Il se souvient bien de Jean-Jacques Velasco qui avait fait une visite au Chili, et il m’a recommandé de lui transmettre ses salutations (ce que j’ai fait volontiers).

Le colonel Ariel Sanchez était le représentant de la commission d’enquête officielle de l’Uruguay, le CRIDOVNI, qui est l’une des plus anciennes en activité puisqu’elle a été créée en 1979 au sein de la force aérienne. Un organisme civil, non gouvernemental, le CRIFAT, a également vu le jour en 2001. Incidemment, l’Uruguay travaille avec l’Argentine, mais ce pays n’est pas aussi organisé pour l’étude des ovnis, ce qui explique son absence à la conférence. Pour le Pérou, le Dr Anthony Choi, avocat, a participé à la création du groupe OIFAA, au sein de la force aérienne péruvienne, On peut y souligner la bonne coopération entre civils et militaires, comme au Chili. Anthony Choi a fait lui aussi un exposé intéressant, richement illustré. Il semble s’intéresser particulièrement à des cas de contacts à " haute étrangeté ".

Tous ces représentants, officiels ou officieux, de ces pays d’Amérique du Sud, visiblement actifs et concernés par cette présence des ovnis, ont aussi en commun de souhaiter le développement d’une véritable coopération internationale, qui existe déjà entre eux, mais qu’ils souhaitent voir s’étendre au monde entier, en particulier en Europe et aux Etats-Unis. Ils ont ainsi regretté que le GEIPAN n’ait pu être présent à cette réunion.

Je termine ce compte-rendu rapide avec Nick Pope, qui a de nouveau fait son exposé classique sur l’ufologie en Grande-Bretagne, et sur ses enquêtes pendant trois ans au Ministère de l’Air britannique (MOD). Il a confirmé avec force l’affaire de Rendlesham, qui venait également d’être exposée à la réunion de Washington par deux des principaux témoins, le colonel Halt et le sergent Jim Penniston. Au sujet de Penniston, soulignons qu’il a bien redit, à Washington, avoir observé l’ovni de très près au sol, pendant une demi-heure, jusqu’à le toucher, alors que des sceptiques continuent à citer une première déclaration faite par le canal militaire, dans laquelle il disait s’en être approché à environ 50 mètres. Nick Pope a redit, il y a juste quelques jours sur la liste UFO Updates, que ce premier témoignage de Penniston avait été sciemment minoré.

Nick a aussi présenté de nouveau, à Curitiba, la fameuse journée du 31 mars 1993, avec une vague d’observations d’ovnis en forme de triangles, notamment sur la base de Cosford. Je lui ai signalé en privé que certains l’avaient vu, à une émission tournée en Allemagne, où il semblait dire que, tout compte fait, il s’agissait sans doute d’avions secrets. Pas du tout, m’a-t-il assuré. C’est un mauvais tour qu’on lui a joué en Allemagne, en extrayant habilement d’un long entretien un passage où il pouvait donner l’impression d’avoir dit cela ! Avis aux amateurs qui rêvent de " passer à la télé "…

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___________________________ Publié sur http://bourdais.blogspot.com Reproduction libre en citant cette source. ___________________________

mardi 31 juillet 2007

OVNIS : Ce qu'ILS ne veulent pas que vous sachiez

Un livre bizarre de Pierre Lagrange

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Note de lecture de Gildas Bourdais



Ce nouveau livre de Pierre Lagrange a un curieux titre : qui sont donc ces " ILS ", en majuscules, et que veulent-ils nous cacher, sur les ovnis ? Pour ceux qui ne connaissent pas Lagrange, le sous-titre peut faire croire que l’auteur va nous dévoiler les basses manœuvres des " debunkers ", c’est à dire des gens qui s’emploient à mettre en doute, à dénigrer l’existence des ovnis : " Armée, services secrets, " debunkers " et autres maîtres de l’intox… ". Eh bien non ! C’est déjà le premier piège d’un livre qui en compte énormément, car c’est exactement le contraire que Lagrange s’emploie à démontrer, avec toutes sortes de raisonnements et d’arguments compliqués, dans ce livre de 370 pages : pour lui, les vrais debunkers sont ceux qui dénoncent le debunking, et plus précisément l’idée que les Etats-Unis possèdent, sur les ovnis, des connaissances secrètes qu’ils nous cachent. Oui, explique Lagrange, c’est vrai que les Américains ont pratiqué une politique de secret, mais c’est en réalité pour nous cacher qu’ils n’y comprennent rien ! Ecoutez bien cela, braves gens, il n’y a pas d’autre secret que celui-là. Et ceux qui pensent le contraire, s’appuyant sur de nombreux témoignages, ce sont eux les vrais menteurs, les vrais debunkers, les propagateurs d’une idéologie maniaque de la " conspiration ", bref, d’un " complot anti-américain ". Voilà, résumée en quelques lignes, la thèse principale de Lagrange, qu’il martèle tout au long du livre, avec les arguments les plus tortueux et fallacieux, comme je vais essayer de le montrer.

L’un des angles d’attaque de Lagrange est de dénoncer un élitisme supposé de la part de ceux qui dénoncent le debunking. Ils pensent que le peuple n’est pas capable de comprendre les choses, nous explique Lagrange. C’est une vision du " grand partage " entre l’élite, qui sait, et le peuple ignorant ! Curieux argument. Comment cela se peut-il ? La " quatrième de couverture " nous ouvre déjà la voie :

" Il montre comment certains experts militaires français, dénonciateurs des prétendus complots de l’US Air Force, reprennent en fait la même démarche, jugeant le grand public trop immature pour être associé au débat et connaître la vérité sur les phénomènes ovni ".

Bigre ! C’est une accusation assez grave qui est portée là par Pierre Lagrange. On découvre rapidement, en accusé principal de cette forfaiture supposée, le Cometa et son fameux rapport de 1999, qui avait eu l’audace d’évoquer le problème du secret américain, notamment dans une annexe sur " Roswell et la désinformation ". Cela lui avait valu d’être attaqué quelques jours plus tard, avec une virulence extrême, par Pierre Lagrange justement, dans un article en pleine page de Libération du 21 juillet, intitulé : "Entre X Files et Independance Day , le rapport " d’experts " publié par VSD alimente la désinformation sur les ovnis en ridiculisant le sujet ". Il est vrai que Lagrange y était épinglé comme " victime " de la désinformation américaine, un mot plutôt gentil, à mon avis.

Essayons de comprendre le pourquoi de cette curieuse accusation d’élitisme, contre un groupe comme le Cometa qui a voulu, au contraire, attirer l’attention, à la fois du gouvernement et du public, sur ce sujet déprécié des ovnis. En fait, nous tenons là un premier exemple – il y en a beaucoup d’autres – d’un procédé très spécial de Lagrange consistant à retourner, à inverser les arguments. C’est ici le cas : leur rapport a été publié par l’éditeur de VSD Hors série, magazine populaire par excellence ! Drôle d’élitisme. On le leur a assez reproché, d’ailleurs… Mais posons-nous la question : où Lagrange veut-il en venir, avec cet argument saugrenu ? A l’idée suivante, élaborée dans la troisième partie , selon laquelle les partisans de théories " conspirationnistes ", et les sceptiques qui dénoncent celles-ci comme étant " irrationnelles ", sont aussi irrationnels les uns que les autres, et qu’ils font preuve d’un obscurantisme analogue, méprisant pour le peuple ignorant. C’est, pour reprendre les termes de Lagrange, " la théorie du complot obscurantiste contre la Raison " !

Là, je dois dire que Lagrange a bien travaillé pour brouiller les pistes et tout mélanger. On peut lui concéder, effectivement, qu’il y a une forme d’intégrisme chez certains rationalistes combattant de manière obsessionnelle tout ce qui semble menacer l’édifice de la science pure et dure. Un cas d’école est celui de l’Union rationaliste, longtemps présidée par l’astrophysicien Evry Schatzman, grand pourfendeur des ovnis. Mais, en le concédant, vous risquez d’entrer dans la dialectique subtile de Lagrange qui s’emploie ensuite à vous convaincre que, soupçonner des complots et des secrets, c’est tomber tout autant dans l’irrationnel ! Voilà l’astuce, le petit piège dans lequel il essaie de vous attirer. Incidemment, je crains pour Lagrange que son livre ne plaise pas plus aux sceptiques qu’aux ufologues, étant donné qu’il les renvoie dos à dos, en quelque sorte.

Voici un exemple de raisonnement très spécial de Lagrange, qui me vise directement, bien que je ne sois pas nommé. Dès la page 22, il brode sur l’idée que, même dans les rangs des ufologues, il paraît normal de mettre en doute les ovnis tant qu’on ne les a pas étudiés :

" En validant l’idée qu’il est normal de se montrer dans un premier temps sceptique sur la réalité du phénomène, ils laissent entendre que c’est le fait d’accepter cette réalité qui est finalement étrange. En avril 2007, au cours d’une émission animée par Yves Calvi, un ufologue expliquait, en s’inspirant d’une tradition bien établie, que, bien sûr, comme tout le monde, il avait commencé par être sceptique et que c’était là une attitude saine. En validant l’idée qu’il est normal de refuser l’existence des ovnis plutôt que de l’accepter, celui qui cherche à témoigner de son évolution par rapport au sujet apporte un argument supplémentaire en faveur de sa marginalité extrême ".

Notez bien ces expressions, choisies par Lagrange, de réalité finalement étrange, et de marginalité extrême. Il se trouve que l’ufologue non désigné, c’était moi, Gildas Bourdais, et je peux donc expliquer ce que j’ai dit à cette émission C dans l’air. Non, je n’ai pas du tout dit que " c’est le fait d’accepter cette réalité qui est finalement étrange " ! J’ai dit au contraire que, en 1969, après avoir été initialement intéressé par les ovnis, j’avais été convaincu de l’inexistence des ovnis par le rapport Condon, tel que présenté dans la presse à l’époque. Or, trois ans plus tard, en 1972, paraissait le premier livre de l’astronome Allen Hynek, qui avait été pendant vingt le conseiller scientifique de la commission ovni (" Livre Bleu ") de l’Air Force. Il y affirmait, de manière posée et réfléchie, la réalité des ovnis, et il m’avait alors convaincu. Hynek, avec ce livre important, avait justement fait sortir les ovnis de la marginalité où le rapport Condon les avait relégués. Autrement dit, j’ai expliqué exactement le contraire de cette idée de " marginalité extrême " que j’aurais, soit disant, alimentée selon Lagrange. Son livre est rempli d’arguments biaisés et tordus comme celui-là, et il faudrait écrire un autre livre pour les décortiquer et les désamorcer, page par page.

On retrouve, dans ce livre, la virulence de son article de Libération de 1999, qui contraste avec son comportement souvent assez " cool " à la télévision. Ainsi, ceux qui ont osé parler en France de ce problème de secret et de désinformation aux Etats-Unis, se font incendier par Lagrange, les uns après les autres. Il commence par déceler cette dérive calamiteuse chez Jean-Jacques Velasco, alors qu’il était encore le responsable du SEPRA. J’ai le plaisir de confirmer cette coupable dérive, en ayant discuté avec lui dès 1995 à l’occasion d’une émission de FR3 (on ne peut pas dire, incidemment, que FR3 ait progressé depuis : l’émission de 1995 était bien meilleure que la triste émission Pièces à conviction du 29 juin dernier). En juin 1997, également, Velasco avait contredit en direct, au journal de LCI animé alors par David Pujadas, Pierre Lagrange qui y présentait comme la Bible le second livre du Pentagone sur Roswell, intitulé bravement The Roswell Report. Case Closed. Ce livre, qui a fait beaucoup tiquer, même les grands médias américains, expliquait que les témoignages sur les cadavres non humains vus à Roswell en juillet 1947 étaient une confusion avec des mannequins en bois pour essais de parachutes, qui avaient eu lieu dans les années 50, donc bien après. Mais Lagrange, lui, avait trouvé ce livre très bien : rien à dire, c’était la vérité, forcément , puisqu’elle venait du Pentagone ! Velasco, comme moi, n’était pas de cet avis, et je l’en avais remercié en direct.

Pierre Lagrange s’attaque, en premier lieu, au rapport du Cometa. Il se permet d’affirmer, par exemple, que c’est l’œuvre d’un seul homme (qui " tirerait toutes les ficelles ") pour en diminuer la portée, bien entendu. Il se fait ainsi l’écho d’une rumeur tenace, lancée notamment par Jean-Pierre Petit et Jacques Vallée. Laissons de côté les tristes règlements de compte personnels, et disons seulement que c’est complètement faux. Lorsque Lagrange a attaqué le rapport du Cometa en 1999, parallèlement avec Perry Petrakis et Jenny Randles sur Internet, j’ai décidé aussitôt de les défendre. J’ai alors fait la connaissance de ce groupe que je ne connaissais pas, et ils m’ont expliqué qu’ils avaient travaillé pendant trois ans dans des réunions régulières, animées par le général de l’armée de l’Air Denis Letty, chacun apportant sa contribution. Celles-ci étaient discutées par le groupe de travail, parfois âprement, jusqu’à un accord complet sur le texte final. Plutôt que de colporter ce ragot ridicule d’un rapport écrit pas un homme seul, Lagrange aurait mieux fait de se renseigner sérieusement.

Pierre Lagrange s’en prend, ensuite, violemment à François Parmentier et à son excellent livre OVNIS. 60 ans de désinformation (Editions du Rocher, 2004). Il accuse notamment l’auteur d’être à la botte du Cometa, dans un chapitre virulent, intitulé " OVNIS : trois cents pages de désinformation ! ". Il se trouve que je connais assez bien Parmentier, et je peux affirmer qu’il n’est pas du genre à être à la botte de qui que ce soit. Cette accusation est stupide, tout simplement. Il est vrai que Lagrange en prend pour son grade dans ce livre, qui est à lire par tous ceux qui veulent comprendre quelque chose de l’ufologie mondiale. Quoi qu’en dise Lagrange, qui ergote sur certains aspects difficiles, sur lesquels la plupart des lecteurs n’ont aucune idée, c’est un livre solide et bien documenté qui démonte avec précision la politique du secret aux Etats-Unis. Nombreux sont ceux qui ont salué ses qualités, tels Yves Sillard (j’y reviens plus loin), le professeur Auguste Meessen, et le journaliste Stéphane (pas Sylvain !) Allix. Je renvoie le lecteur à l’article du professeur Meessen, qui y commentait également mon livre sur Roswell à :

http://www.meessen.net/AMeessen/Deux_livres.pdf

Mais voyons, sur un exemple, la démarche de Lagrange pour le critiquer.

Lagrange cite un document bien connu, la lettre du général Twining, qui est discutée par François Parmentier dans son livre. Rappelons que ce général, commandant les services techniques de l’armée de l’Air américaine (AMC, Air Materiel Command), avait signé une lettre, datée du 23 septembre 1947, faisant un premier bilan de cette vague de " soucoupes volantes ", à la demande du général Schulgen, chef adjoint des services de Renseignement au Pentagone. La lettre confirmait d’abord la réalité des ces engins, avec une description précise de leur aspect et de leurs performances extraordinaires. Remarquons ici que cette lettre, classée secrète à l’époque, a été publiée… en annexe du rapport Condon de 1969, qui concluait à l’inexistence des ovnis. Or cette lettre, à elle seule, prouvait le contraire ! Mais venons-en au point qui fait encore débat aujourd’hui. Le général Twining exprimait ensuite l’opinion (au § f) qu’il serait peut-être possible, un jour, de construire des engins plus ou moins comparables, mais que ce serait extrêmement coûteux, en temps et en argent, et que ce serait au détriment d’autres projets importants en cours. La lettre prenait alors un tour curieux car le général Twining évoquait ensuite (§ g) la possibilité que ce soient malgré tout des engins " domestiques ", inconnus de ses services comme de ceux du général Schulgen. Il y a une contradiction entre ces deux paragraphes. En réalité, il était hautement improbable que ces directions importantes de l’armée de l’Air n’aient pas été au courant d’un tel projet s’il avait réellement existé. Ces ovnis n’étaient pas des " engins domestiques " et, d’ailleurs, le général Schulgen, justement, en avait déjà informé le FBI par lettre du 5 septembre. On voit ainsi que la lettre de Twining devenait moins claire, tout d’un coup. Or, le général Twining mentionnait ensuite " l’absence de preuve physique sous la forme de pièces récupérées après un crash qui permettraient d’établir de manière indéniable l’existence de ces objets ". Voilà, clament tous les sceptiques sur Roswell, la preuve qu’il n’y a pas eu de crash. Seulement, l’argument est faible car il méconnaît le sens et la portée de la lettre, qui se terminait par un appel urgent à tous les établissements publics de recherche, aussi bien civils que militaires, pour transmettre et étudier impérativement toutes les observations et données disponibles sur les ovnis. En fait, si un ovni avait été récupéré en grand secret, début juillet, près de Roswell, cela ne pouvait absolument pas être évoqué dans une telle lettre, destinée à une assez large diffusion, et classée à un niveau moyen de secret. En revanche, cette lettre n’était pas du tout incompatible avec une telle découverte, et c’est ce que François Parmentier explique avec raison dans son livre. On peut faire la même objection à un document analogue, cité bien entendu par Lagrange, écrit par le colonel McCoy en 1948. Bien d’autres auteurs partagent ce point de vue, par exemple les excellents chercheurs américains Michael Swords et Bruce Maccabee. J’avais détaillé tout cela, notamment, dans mon livre OVNIS. 50 ans de secret, publié en 1997 par l’éditeur actuel de Lagrange (on a parfois, il faut l’avouer, l’impression de reculer !) Or, qu’en fait Lagrange ?

Faites bien attention à la suite du raisonnement. Lagrange reproche alors à Parmentier d’accréditer l’hypothèse du crash de Roswell en 1947, et donc d’une politique du secret de l’Air Force depuis cette date, et il s’exclame avec indignation que " défendre une telle thèse revient à réécrire l’histoire des sciences " (page 102). Comment peut-il monter ainsi sur ses grands chevaux ? Il faut citer ici le commentaire de Lagrange, tellement il est curieux et fumeux :

" Cette thèse suppose deux choses : qu’il existe un savoir positif sur les ovnis (et donc sur d’autres sujets) et que la définition de la réalité n’est pas le résultat d’un travail, mais d’un constat ".

Et il conclut : "

… la thèse de Parmentier revient à dire que la réalité relève du constat, existe, que certains connaissent la vérité et qu’à partir de là il suffit d’obtenir des aveux des autorités ".

Pourquoi donc ne pourrait-on faire des constats ? Moi, je constate que j’ai les pieds sur terre (au sens propre). Je ne sais pas bien pourquoi, mais je le constate. Toute connaissance rationnelle, scientifique, commence ainsi, par des constats, me semble-t-il. Dans l’affaire de Roswell, que constatons-nous ? Que l’armée de l’Air avait commencé par annoncer la découverte d’un ovni, puis l’avait niée précipitamment avec une histoire de ballons, qui a varié dans le temps mais qui ne tient toujours pas debout, et que, en revanche, il y a une multitude de témoins crédibles, dont le nombre vient encore de s’accroître, sur la découverte d’un ovni. En conséquence de quoi, l’hypothèse d’un accident d’ovni maintenu secret mérite pour le moins d’être sérieusement considérée, au lieu d’être frappée de cette condamnation alambiquée.

Sur ces deux points, ballons et témoins, je renvoie le lecteur à deux de mes articles, le premier sur le livre de Karl Pflock (publié en français à l’instigation de Lagrange) : " Roswell, l’ultime enquête. Le flop de Karl Pflock ", et le second sur le festival de Roswell et les nouveaux témoins, rassemblés dans le livre remarquable de Tom Carey et Donald Schmitt Witness to Roswell : " Le festival de Roswell 2007 et les nouveaux témoins sur l’accident d’un ovni ". On les trouvera sur le site du GREPI, à : http://www.ovni.ch/home/frame4.htm

Tout le chapitre de Lagrange sur Parmentier est de ce calibre là, et le comble est atteint lorsqu’il qu’il finit par soupçonner son livre d’être " une vaste opération de désinformation ", dans laquelle Lagrange englobe d’ailleurs le Cometa et d’autres, qui " imposent leurs idées paranoïaques au mépris du débat scientifique " (page 133) ! Citons encore une tirade digne de rester dans les annales de l’ufologie la plus ringarde :

" Parmentier a voulu établir un dossier digne des enquêtes de l’équipe d’Elise Lucet , il a tout juste réussi à sortir un mauvais sketch des Guignols " (Page 128).

L’émission de FR3, citée comme modèle : quelle gaffe ! Nous aurons la bonté de supposer que le livre était déjà imprimé avant la triste émission du 29 juin dernier.

Pierre Lagrange, en revanche, semble éviter de s’attaquer à la personne d’Yves Sillard, et à son livre collectif Phénomènes aérospatiaux non identifiés. Un défi à la science (Le Cherche Midi, 2007). Sillard, qui avait créé le premier groupe d’études ovni, le GEPAN, en 1977, alors qu’il était Directeur général du CNES, est maintenant président du comité de pilotage du nouveau service d’étude, le GEIPAN, et il reste donc un homme important, à ménager. Tout au plus Lagrange déplore-t-il la présence de Parmentier dans le livre. Mais c’est cohérent avec les déclarations publiques d’Yves Sillard qui a bien critiqué publiquement, lui aussi, la politique américaine de secret sur les ovnis.

Que dire de l’abondante documentation ? Le livre de Lagrange peut donner une impression de sérieux, avec plus de 140 pages de documents en annexes. Mais c’est un dossier curieux, déséquilibré. Lagrange consacre pas moins de 43 pages aux débuts de la première vague de " soucoupes volantes " en 1947 (il aime cette expression désuète, un peu ridicule), avec l’observation de Kenneth Arnold, et l’affaire très obscure de Maury Island, au moins de juin, où entrent en scène pour la première fois des " hommes en noir ". Mais ensuite il passe directement aux démêlés de l’Air Force avec le FBI, avec une série de lettres qui commence le 10 juillet. Ces document, certains très connus, sont intéressants car ils montrent une démarche tortueuse de l’Air Force pour mener en bateau le FBI, en lançant ses agents à la chasse aux " couvercles de poubelles et autres sièges de W.C ", pendant que l’armée s’occuperait des cas sérieux. Mais la manœuvre, ayant été éventée, avait provoqué une grosse colère du Directeur Edgar Hoover dans une lettre célèbre au général McDonald. Cependant, il y a un gros trou entre les deux chapitres : rien sur l’affaire de Roswell ! Ou plutôt, Lagrange nous explique une fois de plus que ce n’était qu’un incident de rien du tout. Eh bien si, le communiqué de presse de la base de Roswell, révélant la découverte d’un " disque volant ", et le démenti du soir, constituent le point culminant de la vague de 1947, comme on le voit bien, par exemple, dans le New York Times des premiers jours de juillet. La vague des " soucoupes " suscite alors de plus en plus d’intérêt, s’installant en première page, jusqu’au démenti de Roswell, qui fait le plus gros titre du journal du 9 juillet. Dès le lendemain, le sujet des soucoupes retombe en fin de journal, avec un petit article ironique (voir à ce sujet mon livre Roswell. Enquêtes, secret et désinformation, JMG, 2004). Il n’est pas exagéré de dire que le rideau du secret sur les ovnis est tombé, dès le soir du 8 juillet 1947, avec le démenti de Roswell. Ce n’est pas une petite affaire, mais vous n’avez aucune chance de vous en rendre compte en lisant le livre de Pierre Lagrange. La colère de Hoover est un épisode intéressant, mais mineur, en comparaison.

Il me faut encore commenter les critiques de Lagrange contre moi et mon livre sur Roswell, qui finissent pas arriver, page 199. Première critique : j’ai cité de travers, prétend Lagrange, l’ancien capitaine Sheridan Cavitt qui avait accompagné le Major Marcel sur le champ de débris de Brazel, en juillet 1947. Interviewé longuement dans le Roswell Report de l’Air Force, publié en 1995, c’était pour lui le moment ou jamais de se rappeler qu’il avait trouvé un train de ballons " Mogul ", or il s’y est refusé obstinément, s’en est tenu au mensonge initial de l’unique ballon météo. Cavitt s’est même payé le luxe de se moquer de Karl Pflock, l’appelant " notre meilleur debunker ". J’ai souligné que, par cette attitude, Cavitt apparaissait indubitablement comme un témoin négatif contre Mogul. Commentaire, méprisant, de Lagrange :

" Outre que l’on peut interpréter ce propos de façon bien plus prosaïque et qu’il faut s’appeler Gildas Bourdais pour y voir une preuve (les ufologues américains ont curieusement laissé de côté cette " preuve "), l’idée que l’Air Force ait pu laisser passer une bourde pareille dans son propre rapport relève soit du trait d’humour soit du suicide programmé ".

Cette phrase est sidérante d’esbrouffe désinvolte. D’abord, Lagrange se dispense de proposer une explication plus prosaïque : il lui suffit d’affirmer que c’est possible, en somme. Ensuite, il est faux que les ufologues américains n’aient pas remarqué cette curieuse déclaration de Cavitt. C’est Kevin Randle qui avait, le premier, attiré l’attention dessus, dans son bulletin Roswell Reporter du printemps 1995 (l’interview était de mai 1994). En 2001, J’ai cité cette phrase assez dévastatrice de Cavitt dans un message sur la liste UFO Updates, et le physicien Bruce Maccabee l’a commentée ainsi dans un message du 15 août 2001 (" Review of Pflock’s Roswell ") : " c’est pourquoi je dis que Cavitt est l’un des témoins les plus solides en faveur de Roswell comme événement non ordinaire (" anomalous "). Amusant ! " Il faut savoir que Maccabee est très pince-sans-rire. Il a d’ailleurs écrit tout un commentaire sur Cavitt, intitulé " Cavitt Emptor ", sur son site à http://brumac.8k.com/

Pour étayer l’idée que l’Air Force n’aurait pas laissé passer une telle bourde dans son Roswell Report, Lagrange fait plus loin ce commentaire élégant : " Si l’armée avait voulu désinformer à tout prix, il lui était facile de manipuler le témoignage de Cavitt " (p. 200). Eh bien non, ils ne l’ont pas fait, car ils ont peut-être eu l’intelligence, tout simplement, de se douter que Cavitt, découvrant cela, aurait pu réagir publiquement. A mon avis, ce n’est pas une bourde, ni une plaisanterie. C’est un message de Cavitt, qui dit à peu près ceci : " Ecoutez, j’ai déjà avalé en 1947 un gros mensonge avec le ballon météo. Ne me demandez pas d’en avaler un autre, plus gros encore, avec Mogul ".

Dans la même veine, Lagrange se moque de moi quand je remarque que le vieux professeur Charles Moore, qui a soutenu le scénario du train de ballons Mogul, avouait dans son livre ne pas se souvenir du lancement en question, ce qui ne l’avait pas empêché d’affirmer qu’il avait sans doute été lancé dans la nuit , et de bricoler les données météo pour arriver à le faire atterrir sur le champ de débris. En fait, le responsable en chef des lancements, Albert Crary, a écrit dans son journal que le lancement avait été annulé pour cause de temps couvert cette nuit là (voir mon article cité plus haut). Autre commentaire désinvolte de Lagrange : " Si Moore était le manipulateur que prétend Bourdais, pourquoi donc aurait-il inventé cette explication de ballons sans inventer aussi les souvenirs qui vont avec ? " Il se trouve que j’ai correspondu avec Charles Moore. C’était un homme coléreux mais qui avait un fond d’honnêteté. Il s’était persuadé de la justesse de la théorie Mogul, mais ne se rappelait pas du lancement. Figurez-vous, Lagrange, qu’il n’était pas du genre à inventer un faux souvenir !

Lagrange croit pouvoir m’épingler à nouveau, au sujet de Karl Pflock. L’ayant rencontré en 1995 au congrès du Mufon, je l’avais obligé à admettre qu’il y avait eu, au dessus du champ de Brazel, une violente explosion. Or, des ballons météo gonflés à l’hélium ne peuvent certainement pas provoquer une énorme explosion. Pflock en avait convenu de mauvaise grâce, mais cela ne l’avait pas gêné pour réaffirmer deux heures plus tard, lors du panel final du congrès, la théorie Mogul. Bagatelle, ironise Lagrange : " Pour moi, c’est plutôt la preuve que Pflock voulait se débarrasser de Bourdais et de ses remarques " à côté de la plaque " sans trop le froisser ". Et voilà, il ne faut pas se gêner, selon Lagrange, on peut toujours raconter n’importe quoi !

Encore un exemple et je m’arrête. J’ai expliqué, dans mon livre sur Roswell, que Irving Newton, l’officier météo de Fort Worth que le général Ramey avait convoqué brièvement dans son bureau pour identifier le ballon météo et sa cible radar, a fait des récits différents de l’incident. Dans le premier, rapporté aux enquêteurs privés, il dit que le Major Marcel, qui était là, avait essayé de se donner une contenance en lui demandant s’il ne voyait rien d’anormal. Mais dans son second récit, fait aux enquêteurs de l’Air Force et publié dans le Roswell Report, il a modifié légèrement son récit, juste ce qu’il fallait pour faire passer Marcel pour un idiot. Totalement faux, s’exclame Lagrange : " Il suffit de lire les témoignages pour constater que Newton ne varie pas d’un pouce et ne se contredit aucunement " (p. 201).

Eh bien si, il a changé son récit, Newton ! Il en a même donné trois versions, en fait. Je l’ai expliqué en détail dans mon livre Roswell. Enquêtes, secret et désinformation (p. 233). Dans la première version, Newton ne mentionne même pas la présence de Marcel (version racontée à William Moore, publiée dans son livre de 1980, pp. 39-40 de l’édition de poche). Il n’était resté qu’un instant, avait identifié immédiatement les restes d’un banal ballon météo avec sa cible radar, et avait été congédié (" When I had identified it as a balloon, I was dismissed ").

Dans une deuxième version, racontée à Randle et Schmitt et publiée dans leur premier livre (UFO Crash at Roswell, 1991, pp. 73-74), Newton commence à dire que Marcel cherchait à sauver la face en lui demandant s’il était bien sûr qu’il s’agissait d’un ballon normal : " Newton dit qu’il pensait que Marcel essayait de sauver la face et ne pas avoir l’air d’un idiot qui ne pourrait faire la différence entre un ballon et quelque chose d’extraordinaire " (" Newton said that he tought Marcel was trying to save face and not seem to be a jerk who couldn’t tell the difference between a balloon and something extraordinary ").

Puis, lors d’un nouveau témoignage publié par l’Air Force (premier rapport de juillet 1994, puis Roswell Report d’octobre 1995), Newton prétend que Marcel a ramassé des bouts de baguettes de la cible radar et a essayé de le convaincre qu’il y avait dessus des inscriptions extraterrestres. Newton ajoute qu’il y avait bien des inscriptions délavées, de couleur rose ou lavande, sans " rime ni raison " (un bon point pour Mogul !), mais que Marcel ne l’avait pas convaincu que c’étaient des écrits extraterrestres (" While I was examining the debris, Marcel was picking up pieces of the targets sticks and trying to convince me that some notations on the sticks were alien writings. There were figures on the sticks, lavender or pink in color, appeared to be weather faded markings with no rhyme or reason (sic) He did not convince me that these were alien writings "). Il y a là un flagrant délit de mensonge éhonté car, sur les photos très détaillées de ces débris, on ne voit absolument aucune inscription !

Encore un mot sur Newton. Le professeur Charles Moore m’a passé des documents, dont une lettre de Newton à Robert Todd, écrite en 1993. Il y racontait même que, dans ces débris de Fort Worth, les baguettes de la cible radar n’étaient pas en bois mais en plastique solide (" I don’t think the beams were wooden, but rather a tough plastic "). Or le Roswell Report de 1000 pages ne parle nullement de cibles radar montées sur baguettes en plastique. Enfin, il faut savoir que le Major Marcel avait suivi des cours sur les radars, à Langley en 1945, et n’ignorait rien de ces modestes cibles radar ! Disons le clairement, Irving Newton a raconté n’importe quoi, et il faut s’appeler Pierre Lagrange pour ne pas voir la dérive de son témoignage, très opportune pour l’Air Force.

En bref, que penser de tout cela ? Il y a une idée simple et forte qui s’impose une fois de plus, celle d’un très gros problème de secret sur les ovnis, principalement aux Etats-Unis, qui commence à l’époque de l’incident de Roswell, et même peut-être avant. Et la question que l’on peut se poser, plus que jamais, c’est : combien de temps cela va-t-il pouvoir encore durer ?

Gildas Bourdais

samedi 23 juin 2007

Un nouveau livre renforce la thèse d'un accident d'ovni à Roswell


Roswell : Un nouveau livre renforce la thèse d'un accident d'ovni

Gildas Bourdais, 23 juin 2007


Compte-rendu de lecture du livre de Tom Carey et Donald Schmitt, Witness to Roswell, 2eme édition 2007 (1), par David Rudiak, diffusé sur la liste UFO Updates le 18 juin 2007 (2). Traduction et notes (en italiques) par Gildas Bourdais .


Ce livre de Carey et Schmitt, deux enquêteurs connus sur Roswell, est une seconde édition, dont la publication a eu lieu peu avant le festival de Roswell de juillet 2007 (60ème anniversaire du crash), où les auteurs étaient présents. La première édition, publiée en 2003, présentait de nombreux témoins, nouveaux ou déjà connus (voir à ce sujet mon livre sur Roswell paru en 2004 (3), et la récapitulation des témoins à la fin de ce texte).

Elle se trouve maintenant enrichie et renforcée, avec une vingtaine de nouveaux témoignages. Bien entendu, il va falloir analyser et comparer tous ces récits, mais on peut déjà dire que ce nouveau livre fait progresser de manière importante le dossier, pourtant déjà considérable, de Roswell. L'une des pièces importantes est la déclaration écrite (affidavit) de Walter Haut, enfin rendue publique, après sa mort en décembre 2005, à l'âge de 83 ans.

Etant moi-même invité à Roswell comme conférencier, j'ai pu écouter l'exposé fait par Tom Carey et Donald Schmitt, ensemble au musée de Roswell, et j'ai eu le plaisir d'en discuter avec eux. Cela a renforcé mon impression qu'il s'agit d'un livre important qui consolide remarquablement la thèse de l'accident d'un ovni près de Roswell. Je ferai prochainement un compte-rendu de ce festival anniversaire de Roswell qui a rassemblé un grand nombre de conférenciers et ufologues, et qui est un événement important pour l'ufologie mondiale.

Signalons aussi le livre du fils du Major Marcel, le Dr et colonel Jesse Marcel Jr, qui l'a présenté lui aussi au festival de Roswell 2007. Ce livre renforce lui aussi, bien entendu, l'hypothèse de l'accident d'un ovni . Est-il besoin de le souligner, le Dr Marcel est un témoin particulièrement crédible, qui a eu en main des débris de l'ovni. Pour lui, l'accident de l'ovni ne fait aucun doute.

Voici l'excellent résumé de David Rudiak, lui même spécialiste chevronné de Roswell.

Gildas Bourdais

Les noms des témoins sont soulignés en gras.

On trouvera aussi l'affidavit intégral de Walter Haut sur le site de David Rudiak, à http://www.roswellproof.com/haut.html )

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Le résumé de David Rudiak


Comme le titre l'indique, ce livre se concentre sur les témoignages, et Carey et Schmitt présentent une série de nouveaux témoins, dont un petit nombre de témoins directs disant avoir vu des cadavres " alien ". Il y a aussi une quantité d'histoires de seconde main sur les cadavres, et un petit nombre de témoins disant avoir vu l'engin spatial, soit sur le lieu du crash, soit au hangar 84/P-3 sur la base.

De nombreux récits convergent sur ce hangar, qui semble être le lieu où furent rassemblés les débris, l'appareil et les corps, en vue de leur traitement ultérieur et de leur transport hors de la base.

Je suis surpris du nombre de témoignages sur les corps d'aliens, comprenant plusieurs aliens vivants. Je ne me doutais pas qu'il y avait un tel nombre de témoins à ce sujet.

Le témoin le plus précieux est Walter Haut qui était, comme le savent la plupart d'entre nous, l'officier chargé des relations publiques de la base, qui avait diffusé le communiqué de presse du colonel Blanchard (commandant du 509ème groupe de bombardement, chargé des bombardiers nucléaires) sur la découverte d'un " disque volant " le 8 juillet 1947.

Haut avait signé en 2002 une déclaration notariée (affidavit), devant rester scellée jusqu'à sa mort. Cette déclaration est maintenant entièrement divulguée. Haut, comme il l'avait dit d'abord dans un récit oral enregistré par Wendy Connors et Dennis Balthaser en 2000, révèle qu'il avait vu l'engin écrasé et plusieurs petits cadavres avec de grosses têtes au hangar 84, conduit là par le colonel Blanchard. C'était le 8 juillet après-midi, alors que le communiqué de presse était déjà diffusé.

Haut révèle aussi qu'il avait entendu parler pour la première fois du champ de débris de Brazel (le fermier Mack Brazel), et d'un autre lieu de crash à 40 milles (60 km) au nord (de la ville), où se trouvaient l'engin principal et les cadavres, le lundi après-midi 7 juillet, de retour à la base après le week-end du 4 juillet (jour de la fête nationale).

Le site plus au nord (le champ de débris de Brazel au Foster Ranch) venait d'être découvert par des civils et, en ville et sur la base, des rumeurs commençaient à circuler concernant les deux sites.

Le matin suivant ( mardi 8 juillet), à 7 h 30, Haut avait assisté à la réunion des officiers les plus gradés (senior), où ils avaient tous été informés sur ce qui se passait. Marcel et Cavitt (le Major Jesse Marcel et le capitaine Sheridan Cavitt) y avaient décrit leur découverte sur le champ de débris de Brazel, et Blanchard avait informé tout le monde sur le second site de crash.

Haut affirme aussi que le général Ramey et le colonel DuBose étaient là, ce qui signifie qu'ils étaient venus par avion de Fort Worth.

Des débris étaient passés de main en main, et personne ne pouvait les identifier. Une grande partie de la réunion avait consisté à discuter de la manière de faire face à la situation, et sur ce qu'il fallait dire au public.

Haut commente quelques-unes des raisons sous-jacentes qui ont conduit à la publication du curieux communiqué de presse. Selon Haut, ce fut l'idée du général Ramey, pour détourner ainsi l'attention du public du site plus proche et plus important, de la découverte de l'appareil et des cadavres. Haut eut le sentiment que Ramey ne faisait qu'appliquer des instruction venant du Pentagone.

Haut dit aussi qu'il était allé sur au moins l'un des sites et en avait rapporté lui même quelques débris (ce point, ambigu, va sans doute être très critiqué par les sceptiques).

Il a su que deux équipes étaient retournées sur le terrain pendant des mois pour essayer de repérer toute trace physique qui aurait été oubliée. Bien qu'il ne le dise pas, Haut corrobore ainsi divers récits de débris confisqués plus tard, comme celui de Bill Brazel Jr (le fils du fermier Brazel).

L'affidavit de Haut et d'autres témoignages ci-après remettent en piste le site du crash à 40 milles au nord de Roswell, où avaient été trouvés l'appareil et les cadavres.

Haut présente également une nouvelle chronologie de la découverte du site le 7 juillet, qui signifie que cette opération avait commencé sur ce site dans le même temps où Marcel et Cavitt étaient en train d'inspecter le champ de débris de Brazel.

Un autre témoin de prix est le sergent Frederick Benthal. Il était mentionné par ses initiales F. B. dans Crash at Corona (le livre de Stanton Friedman et Don Berliner paru en 1992), mais il est identifié ici publiquement pour la première fois (pour moi, en tout cas). Benthal était le photographe militaire venu par avion de Washington, qui avait été conduit sur le site des cadavres et qui les avait photographiés sous une tente, dont tout le monde avait été tenu à l'écart.

Cela est confirmé par un autre témoignage, de première ou deuxième main, d'un policier militaire (MP) sur le site, le soldat de 1ère classe (PFC, Private First Class) Ed Sain. Il a dit qu'il avait été emmené sur le site dans l'une des ambulances et avait reçu l'ordre de tirer sur toute personne qui essaierait d'entrer dans une certaine tente. Son fils a dit qu'il n'aimait pas en parler, mais qu'il lui avait révélé qu'il avait gardé les corps jusqu'à ce qu'ils soient transportés à la base.

Sain a indiqué qu'un autre MP, le caporal Raymond Van Why, était allé avec lui sur le site. La veuve de Van Why, Leola, a dit que son mari lui en avait parlé pour la première fois en 1954 lorsqu'il avait quitté le service. Il lui avait dit qu'il avait été de garde sur le site du crash et qu'il avait vu un appareil de forme circulaire.

Le sergent Homer Rowlette faisait partie du 603ème escadron d'Ingénierie de l'Air (Air Engineering Squadron). Son fils Larry et sa fille Carlene Green ont dit ce qu'il leur avait révélé sur son lit de mort en mars 1988. Il avait fait partie de l'équipe de nettoyage déployée sur le " site de l'impact " (" impact site ", le site le plus proche) au nord de Roswell. Il avait eu en main l'une de ces feuilles controversées (infamous) " à mémoire de forme " décrites par beaucoup. Il a décrit l'appareil comme étant de forme " à peu près circulaire ", et a dit qu'il avait vu " trois petits êtres " avec de larges têtes. Au moins l'un d'eux était vivant (c'est juste l'une des histoires d'alien vivant).

Le soldat de 1ère classe (PFC) Roland Menagh était un autre MP sur le site, selon ses fils Michael et Roland Jr. Il a décrit un appareil en forme d'œuf et sans traces de soudure. Michael se souvient qu'il avait décrit trois cadavres. Son père avait dit qu'ils avaient chargé l'appareil sur un camion à 18 roues et recouvert d'une bâche. Il l'avait escorté avec une jeep, à travers la ville et jusqu'à la base, où l'épave avait été déposée dans un hangar.


Ceci nous ramène à la base de Roswell.

Le sergent Earl Fulford a vu un ami proche, le sergent George Houck, quitter la base au volant d'un camion avec une longue remorque (low boy truck) à 5 h du matin le 8 juillet, et il a supposé que c'était pour récupérer une quelconque épave, ce qui faisait partie de son travail.

Fulford était un mécanicien d'aviation qui travaillait souvent au hangar 84. Ce jour là, des mécaniciens civils de la ville l'avaient questionné sur les rumeurs de découverte d'un vaisseau spatial avec de petits spationautes. Alors qu'il quittait son travail à 16 h, Fulford avait vu Houck revenir, tirant une longue remorque qui semblait porter un objet de la taille et de la forme d'une Volkswagen (VW Beetle). Houck avait refusé de lui dire ce qu'il y avait sous la bâche, précisant qu'on lui avait interdit d'en parler. Lorsque Fulford a essayé de le faire parler, il a toujours refusé, jusqu'à ce jour.

Mais il y a plus, dans l'histoire de Fulford. Il a raconté que, le lendemain (le mercredi 9 juillet), il avait été porté " volontaire " pour faire partie d'une équipe de 15 à 20 hommes qui furent conduits sur le champ de débris de Brazel pour finir de nettoyer le site. On les avait dotés de sacs de toile et on leur avait ordonné de ramasser tout ce qui " n'était pas naturel ".

Il a décrit une zone qui s'étendait sur des centaines de yards et qui était, comme l'ont dit d'autres témoins, encerclée par des MP. Il a dit que, manifestement, le terrain avait déjà été nettoyé, car il ne restait pas grand chose, et l'on pouvait voir des traces de pneus de gros camions qui avaient dû servir à embarquer des choses. Il a dit qu'il avait trouvé seulement sept morceaux, et il a décrit, comme tant d'autres témoins, des feuilles " à mémoire de forme " (" memory foil ") qui reprenaient leur forme initiale (après avoir été pliées).

Quand il est revenu à la base, il a été réveillé à 2 h du matin le lendemain suivant et a reçu l'ordre d'aller au hangar P-3. Il était aussi opérateur de chariot élévateur, et il avait reçu l'ordre de charger une caisse en bois, de 7 pieds carrés (moins d'un mètre carré), dans un avion C-54 (désignation militaire du quadrimoteur Douglas DC-4). Elle pouvait être manipulée comme si ce qu'il y avait dedans était très léger.

A la base de Roswell, tout tourne autour du hangar 84/P-3

Un autre MP, témoin oculaire, le soldat de 1ère classe Elias Benjamin, a raconté comment on lui avait ordonné de prendre son arme et d'aller au hangar P-3 prendre un tour de garde, le matin du 8 juillet. Il avait remarqué une activité importante et inhabituelle autour de quartier général de la base. Quand il était arrivé au hangar, l'officier qui lui avait dit de prendre ce poste était contraint au silence par des MP. Il découvrit plus tard qu'il avait été sur le site du crash, mais qu'il avait perdu son calme lorsqu'il avait vu les cadavres dans le hangar.

Benjamin a dit qu'il avait été chargé d'escorter le transport de deux ou trois corps, recouverts de draps, à l'hôpital de la base. L'un d'eux semblait se mouvoir. L'un des draps avait glissé et il avait vu un visage grisâtre , et une large tête sans cheveux de quelque chose qui n'était pas humain. Lorsqu'il arriva à l'hôpital et que les draps furent enlevés, il eut une bien meilleure vue de l'un des corps, et il a donné la description familière d'un petit corps, avec une grosse tête en forme d'œuf, des yeux allongés, une bouche mince comme une fente, et deux trous à la place du nez. Il eut l'impression que l'être était vivant et il vit les médecins travailler sur lui.

Il fut ensuite " débriefé ", forcé de signer un engagement de non-divulgation, et on lui dit que, si jamais il parlait, il aurait de gros ennuis, lui et sa famille. Il craignait encore de perdre sa pension de retraite. Sa femme, qui l'avait encouragé à parler publiquement, a dit qu'il lui avait raconté son histoire pour la première fois en 1949, quand ils s'étaient mariés.

A l'hôpital, Miriam " Andrea " Bush, âgée de 27 ans, était la secrétaire de l'administrateur de l'hôpital, le Lt. Col. Harold Warne. Selon son frère George et sa sœur Jean, elle était revenue un soir en état de choc. Elle avait fini par dire qu'il y avait à l'hôpital du personnel médical étrange qu'elle ne connaissait pas.

Plus tard, Warne l'avait emmenée dans une pièce d'examen où elle avait vu plusieurs corps, petits comme des enfants. L'un d'eux se mouvait (une autre histoire d'alien vivant). Leur peau était grisâtre ou tirant vers le brun, et ils étaient couverts avec des sortes de draps blancs. Ils avaient une grande tête et de grands yeux.

Le lendemain, lorsqu'elle rentra à la maison, elle déclara que personne ne devait plus rien dire sur cet histoire. La famille a eu l'impression qu'elle avait été sévèrement menacée. Selon eux, l'événement l'avait tellement perturbée qu'il avait gâché sa vie. Elle est morte en 1989 dans des circonstances suspectes, avec des traces de coups sur les bras, mais il a été conclu au suicide, en s'étouffant avec un sac en plastique noué autour de sa tête.

Il est concevable que la description de l'infirmière par l'employé des pompes funèbres Glenn Dennis ait été fondée en partie sur Miriam Bush, d'aspect physique et d'âge comparables.

Plusieurs autres MP ont dit avoir été de garde au hangar, et leurs récits sont en accord avec les précédents, tels que celui du sergent Melvin Brown.

Le soldat Francis Cassidy a dit à sa femme, Sarah Mounce, qu'il avait vu les corps à l'intérieur.

Selon Wanda Lida , son mari, le caporal Robert J. Lida, lui a dit qu'il avait gardé le hangar et observé à l'intérieur l'épave et de petits corps, que l'on préparait pour être expédiés.

(Le vol du B-29 de Roswell à Fort Worth)

Plusieurs autres témoins sont encore fournis, concernant le vol, sous haute protection, du B-29 ayant transporté une caisse de Roswell à Fort Worth ( le mercredi 9 juillet selon Robert Slusher). Nous connaissons déjà Robert Slusher (qui a signé un affidavit), et " Tim ", identifié ici sous le nom de Lloyd Thompson.

Le sergent (S. Sgt.) Arthur Osepchook était certain, comme les autres hommes, qu'il y avait quelque chose de très important dans cette caisse. Un aspect intéressant de son témoignage est qu'ils ils furent " débriefés " à leur retour à Roswell. On leur dit qu'il n'existait pas de " soucoupes volantes ", et qu'il n'y avait pas eu de crash de l'une d'elles.

Deux MP ont raconté comment ils avaient gardé l'avion pendant qu'on le chargeait sur le puits de chargement des bombes (bomb pit). L'un d'eux a décrit comment le puits avait été entouré de deux toiles pour empêcher quiconque de voir à l'intérieur. Il avait dû monter la garde en aveugle entre les deux toiles.

Le compte-rendu le plus intéressant, peut-être, du vol du B-29 est celui de Blanche Wahnee, fille du capitaine Meyers Wahnee. (ce témoignage était déjà cité dans la 1ère édition) Elle a dit que son père avait révélé à sa famille que l'incident de Roswell était véridique, dans la dernière année de sa vie. Officier de sécurité de haut niveau, il était venu à Roswell par avion de Fort Simmons, au Colorado, pour superviser le transport d'un " élément top secret ", de Roswell à Fort Worth par un vol spécial de B-29.

L'élément était une unique, grande caisse en bois, que Wahnee devait accompagner comme garde de sécurité dans le puits de chargement. Il dit qu'il contenait les corps d'aliens trouvés près de Roswell. Comme plusieurs autres témoins dans le livre, il a précisé qu'il y avait trois sites de crash.

(Trois sites de crash)

Trois sites ? Il y avait, bien sûr, le champ de débris de Brazel, le site au nord de Roswell (à 40 milles) avec l'épave et les cadavres décrit par Haut et d'autres témoins, mais quel était le troisième site ? Selon Carey et Schmitt, c'était un autre site avec cadavres, se trouvant près de champ de débris de Brazel. Mais les indices concernant ce site sont plus minces.

Il y a l'histoire de Frank Joyce (journaliste à la radio KGFL de Roswell ) qui a raconté que Brazel était arrivé à Roswell dans un état de très grande tension et lui avait décrit, en plus du grand champ de débris, des cadavres d'êtres non-humains sentant très mauvais (témoignage figurant déjà dans la 1ère édition).

Les auteurs mentionnent aussi le jeune Dee Proctor, dont la famille Proctor a dit qu'il se trouvait avec Brazel lorsqu'il avait découvert le champ de débris. Mais il avait dit aussi qu'il avait vu autre chose qui l'avait sévèrement traumatisé. Il n'avait jamais dit exactement ce que c'était, mais il emmena sa mère Loretta voir ce site en 1994 alors qu'il craignait qu'elle meure prochainement Carey et Schmitt disent que l'histoire du champ de débris de Brazel avait déjà commencé à circuler dans la région de Corona (la petite ville la plus proche de ce site), et beaucoup de ranchers et leurs enfants étaient déjà au courant avant même que Brazel aille le révéler à Roswell (déjà dans la 1ère éd.).

L'un de ces enfants était Sydney " Jack " Wright. Il leur a dit que lui et d'autres fils de fermiers étaient allés voir eux aussi. Carey et Schmitt ont finalement réussi à lui faire dire : " Il y avait des cadavres de petits corps avec une grosse tête et de grands yeux. Et Mack (Mack Brazel) était là aussi. Il n'arrivait pas à s'en aller assez vite ".

Un autre récit, peut-être en rapport avec cela, est venu de la veuve du sergent LeRoy, un autre MP. Elle a dit qu'il avait été appelé un soir pour aller à un site de crash aux environs de Corona " pour aider à charger des corps ". Lorsqu'il était revenu le lendemain matin, ses vêtements étaient imprégnés d'une odeur épouvantable. Elle les avait brûlés, mais cette odeur horrible avait persisté sur son corps pendant encore deux semaines (déjà dans la 1ère éd.).

Carey et Schmitt pensent que, dans ces conditions, Jesse Marcel avait dû forcément voir les corps lorsque Brazel les avait conduits (Marcel et Cavitt) au ranch et au champ de débris.

Ils citent deux témoins selon lesquels Marcel leur avait dit brièvement qu'il avait vu les cadavres. L'un est une personne de sa famille, Sue Marcel Methane, qui a dit qu'il lui avait révélé cela peu de temps avant sa mort en 1986.

Un autre témoin est le sergent technicien (Tech Sergeant) Hershel Grice, qui était chef d'équipe de maintenance au sol, mais qui faisait aussi partie de l'équipe de renseignement de Marcel. Grice a décrit Marcel comme étant un homme franc et direct (" straight arrow ") (Haut l'avait également décrit ainsi). Selon Grice, Marcel lui avait décrit des corps avec " des visages blancs, comme caoutchouteux ".

(Autres témoignages)

Ce livre contient de nombreux autres témoignages, dont certains sont déjà bien connus dans la littérature sur Roswell, et quelques-uns qui sont nouveaux. Je viens de présenter les principaux.

L'un des cas restants les plus intéressants vient de quatre fils du Lt. Colonel Mario M. Magruder, un commandant légendaire de l'aviation navale de la deuxième guerre mondiale.

Selon eux, il a confessé sur son lit de mort qu'il avait vu l'épave du crash et un alien vivant au terrain de Wright (Wright Field, renommé plus tard Wright-Patterson AFB) deux semaines après l'incident, dans la seconde moitié de juillet 1947.

Il venait juste d'intégrer au Collège de Guerre aérienne (Air War College) à Maxwell Field, Montgomery, Alabama, que suivaient des officiers d'élite, considérés comme de futurs leaders par les différents services.

Ils furent amenés par avion à Wright Field pour donner leur opinion sur une affaire urgente. On leur apprit alors la découverte d'un engin extraterrestre qui s'était écrasé près de Roswell. On leur avait fait examiner l'épave, et on les avait ensuite introduits dans une autre salle où ils avaient vu un alien survivant.

Mike Magruder a dit que son père avait décrit la " créature " comme ayant moins de cinq pieds (1,50 m) de haut, " d'apparence humaine " mais avec des bras plus longs, des yeux plus grands, et un tête surdimensionnée, dépourvue de cheveux. Il avait une fente à la place de la bouche, et deux trous sans appendices pour le nez et les oreilles – la description classique du " gris ". Il n'y avait pas de doute dans son esprit qu'il " venait d'une autre planète ".

Nombre d'autre témoignages militaires tournent autour des rumeurs circulant sur la base, sur la soucoupe volante et les cadavres, sur le fait qu'il se passait quelque chose de " très gros ", avec beaucoup de sécurité, des avertissements sévères de tenir leur langue, et la fermeture de la base. Quelques exemples proviennent d'autres membres du 603eme escadron d'ingénierie aérienne auquel appartenait Fulford.

Le soldat de 1ere classe (PFC) Eugenes C. Helnes :

" Ce n'était certainement pas un ballon… J'ai eu des camarades qui avaient participé au nettoyage du site. Tout le monde parlait d'une soucoupe écrasée – jusqu'au moment où j'ai quitté la base, au milieu de 1949. "

Le sergent Harvie L. Davis :

"des histoires circulaient, et je ne mets pas en doute les personnes concernées. Je suis persuadé que c'était un OVNI ".

John Bunch :

" Tout était chuchoté. Nous savions tous qu'il se passait quelque chose, mais nous ne savions pas quoi. Un tas d'avions allaient et venaient, et la piste avait été fermée pendant un certain temps. La base avait été fermée, et l'on avait surveillé de très près les entrées et les sorties. "

Ainsi, voilà la situation, toute une série de témoins à évaluer, dont plusieurs relatifs à un alien survivant. Il y a des écarts sur la description de l'engin principal accidenté, qui varie de la forme en sabot ou en aile de chauve-souris, à celle d'un œuf selon plusieurs témoins, et qui semble aussi un peu plus petit que dans les descriptions déjà connues (voir ma récapitulation ci-après).

Si l'on se réfère à Haut dans son affidavit, il le décrit comme ayant environ 15 pieds (4,5 m) de long, et Fulford compare l'engin sur le camion, caché sous la bâche, à environ la taille d'une coccinelle Volkswagen (VW Beetle).

Les descriptions des corps d'aliens convergent de manière impressionnante. Grosses têtes, grands yeux, petits corps, bouche en fente, deux trous en guise de nez et d'oreilles, plutôt grisâtres ou brunâtres.

Je suis aussi très impressionné par la consistance des témoignages, en ce qu'ils s'insèrent souvent avec netteté dans le film des événements, comme je me suis efforcé de l'indiquer dans ma présentation des différents récits.

Il est également difficile de ne pas être impressionné par le nombre même de témoins qui ont été rassemblés . Se peut-il qu'ils mentent tous ? Un ballon Mogul aurait-il pu causer tout cela ?

J'ai quelques critiques mineures à faire sur l'organisation et l'écriture de certains récits. Des tableaux résumés sur les témoins auraient aussi été très utiles. Il y en a beaucoup qu'il faut s'efforcer de suivre, souvent éparpillés à travers le livre. Cependant, c'est un corpus très impressionnant de témoignages que Carey et Schmitt ont rassemblés, et qui m'a donné beaucoup à réfléchir.

David Rudiak


Récapitulation des principaux témoins de Roswell

Liste mise à jour avec le livre Witness to Roswell de Tom Carey et Donald Schmitt (2ème éd. 2007). Les nouveaux témoins de cette seconde édition sont signalés en gras.

En faveur du crash :

- Avec affidavit :

Glenn Dennis (mis en doute) ; général Thomas DuBose ; Barbara Dugger ; Mary Kathryn Groode ; L. M. Hall ; Walter Haut ; Sapho Henderson ; John Kromschroeder ; Arthur McQuiddy ; Jesse Marcel, M.D. ; Bud Payne ; Robert Porter ; Loretta Proctor ; James Ragsdale (mis en doute) ; George " Jud " Roberts ; Frankie Rowe (livre de K. Randle) ; lieutenant Robert Shirkey ; Lydia Sleppy ; Sgt Robert Slusher ; Robert Smith ; Sally Strickland Tadolini ; Elizabeth Tulk ; David Wagnon ; George Walsh ; William Woody ; Earl Zimmerman. Helen Cahill (livre de K. Randle).

- Sans affidavit :

Robin Adair ; Ruben Anaya ; Gerald Anderson (discrédité) ; Barney Barnett (indirect) ; Beverly Bean ; Major Ellis Boldra ; Bill Brazel ; Sgt Melvin Brown (indirect) ; Dan Dwyer (indirect) : Major Edwin Easley ; général Arthur Exon ; Capt. Olivier Henderson (indirect) ; Curry Holden ; Frank Joyce ; Frank Kaufmann (discrédité) ; Vern Maltais (et Mme. Indirects) ; John McBoyle ; Phyllis McGuire ; Joseph Montoya (indirect) ; Roy Musser ; Floyd Proctor ; William "D" Proctor (indirect) ; Ms Sgt Lewis Rickett ; Bertram Schultz (indirect) ; Lyman Strickland ; Marian Strickland ; Juanita Sultemeier ; Tommy Thompson ; Jay Tulk ; Tommy Tyree ; Walter Whitmore Jr ; Walter Whitmore Sr (indirect) ; sherif George Wilcox (indirect) ; Inez Wilcox (indirect) ; Dan Wilmot (et Mme).

- Autres témoins importants, plus récents :

Lt. Chester Barton (indirect) ; Sgt Thomas Gonzales ; Capt. Darwin Rasmussen (indirect) et Elaine Vegh (sa cousine) ; Col. Patrick Saunders ; Anne Robins (veuve de Ernest Robbins) ; Charles Shaw (et Major Ernest Powell) ; " Tex " (controversé) ; Capt. Meyers Wahnee (indirect, selon sa femme Blanche Wahnee).

Nouveaux témoins, de Carey et Schmitt :

Avec affidavit : Lt. Walter Haut.

Autres : Sgt. Frederick Benthal ; soldat Ed Sain ; caporal Raymond Van Why ; Sgt. Homer Rowlette ; soldat Rolland Menagh (selon ses fils Michael et Rolland Jr);

Sgt Earl Fulford ; soldat Elias Benjamin ; Miriam Bush (selon son frère George et sa soeur Jean) ; soldat Francis Cassidy (selon sa femme Sarah Mounce) ;

caporal Robert Lida (selon sa femme Wanda Lida) ; Sgt. Arthur Osepchook ; deux MP anonymes ; Sydney "Jack" Wright ; Sgt LeRoy (selon sa veuve) ; Sue Marcel Methane ; Sgt. Hershel Grice ; Lt. Col. Marion Magruder (selon ses quatre fils, dont Mike Magruder) ; soldat Eugene C. Helnes ; Sgt. Harvie L. Davis ; John Bunch.

Témoins directs sur les débris et l'ovni

- Témoins qui disent avoir eu en main des débris :

Major Jesse Marcel ; Dr Jesse Marcel Jr ; Ms. Sgt Lewis Rickett ; Sgt. Robert Smith ; Loretta Proctor ; Bill Brazel ; Frankie Rowe ; Sally Strickland Tadolini ; Walter Haut ; Sgt. Homer Rowlette ; Sgt Earl Fulford.

- Témoins directs qui disent avoir vu, ou aperçu, l'ovni :

Sgt. Thomas Gonzales ; " Tex " ; autres témoins, anonymes ; Walter Haut ; Sgt. Homer Rowlette ; soldat Rolland Menagh (selon ses fils Michael et Rolland Jr) ; Sgt Earl Fulford.

Témoins indirects sur les débris et sur l'ovni:

Barbara Dugger ; Mary Kathryn Groode ; L. M. Hall ; Sapho Henderson ; John Kromschroeder ; Robert Porter ; Robert Shirkey ; Elizabeth Tulk ; Helen Cahill ; Barney Barnett (selon Vern Maltais); Major Ellis Boldra ; Sgt Melvin Brown (selon sa fille Beverly Bean) ; Dan Dwyer (selon ses filles Frankie Rowe et Helen Cahill) ; Capt. Olivier Henderson (selon sa veuve Sapho et sa fille Mary Kathryn Groode) ; Johnny McBoyle (selon Lydia Sleppy) ; Phyllis McGuire ; Floyd Proctor ; William "D" Proctor ; Lyman Strickland ; Marian Strickland ; Tommy Tyree ; sherif George Wilcox ; Inez Wilcox ; le fermier Mc (Mack) Brazel ; caporal Raymond Van Why.

Témoins sur la découverte d'un second site, proche de Roswell :

Lewis Rickett ; les proches et adjoints du shérif Wilcox ; William Woodie ; Frankie Rowe ; Chester Barton (témoin involontaire) ; le témoin anonyme de Dennis Balthaser ; Walter Haut.

Témoins directs, ayant vu les cadavres :

Les archéologues ; Henderson (controversé) ; Rasmussen ; Melvin Brown (selon sa fille) ; Col. Saunders ; Gonzales ; Rowe ; " Tex " ; Lt. Walter Haut ; soldat Elias Benjamin .

Témoins sur la découverte d'un survivant :

Wilcox, Rowe, Musser, Montoya, " Tex ", le témoin anonyme de Dennis Balthaser, Robbins. Sgt. Homer Rowlette ; soldat Elias Benjamin ; Lt. Col. Marion Magruder (selon ses quatre fils, dont Mike Magruder).

Témoins indirects sur les cadavres :

Meyers Wahnee (indirect) ; soldat Ed Sain ; Miriam Bush (selon son frère George et sa soeur Jean) ; soldat Francis Cassidy (selon sa femme Sarah Mounce) ; caporal Robert Lida (selon sa femme Wanda Lida) ; Sgt LeRoy (selon sa veuve).

Témoins sur d'autres cadavres, sur un site proche du champ de débris :

MacBrazel, d'après Frank Joyce ; William " D " Proctor (indirect) ; Sgt. Homer Rowlette ; soldat Elias Benjamin ; Sydney "Jack" Wright.

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Mise en doute du crash, ou ne savent pas :

- Avec affidavit, dans le livre de Karl Pflock : Jason Kellahin ; Bessie Brazel-Schreiber.

Témoignages contre le crash

- Sans affidavit : Capt Sheridan Cavitt ; Irving Newton ; général Roger Ramey ; prof. Charles Moore ; capt. Albert Trakowski.

----------------------------- Notes

(1) Thomas (Tom) J. Carey et Donald (Don) R. Schmitt, Witness to Roswell. Unmasking the 60-year cover-up, New Page Books (juin 2007).

(2) Liste UFO Updates Date: Mon, 18 Jun 2007 23:27:46 -0700 Subject: Review & Details Of/From Witness To Roswell Voir les archives en ligne à:

http://www.blogger.com/

(3) Gildas Bourdais, Roswell. Enquêtes, secret et désinformation. JMG Editions, 2004.

samedi 17 mars 2007

Rendlesham et le risque de désinformation


Rendlesham et le risque de

désinformation

Gildas Bourdais, 15 mai 2003

Nick Pope, invité le 6 mars 2007 au repas ufologique de La Défense, puis à la radio Ici et Maintenant, est revenu en détail sur cette affaire extraordinaire d'atterrissage supposé d'un ovni, en décembre 1980, dans la forêt de Rendlesham, près de la base aérienne de Woodbridge, en Angleterre. Rappelons que Nick Pope a été responsable des enquêtes sur les ovnis au ministère de la Défense britannique, de 1991 à 1993, et qu'il a alors rouvert l'enquête sur cette affaire. Il a confirmé à Paris l'authenticité de cet incident, et qu'il y a bien eu un " cover-up " de la part de l'armée de l'Air américaine, responsable de cette base de l'OTAN. J'ai écrit en 2003 un article pour la revue LDLN (Lumières dans la Nuit), qu'il est peut-être intéressant de republier aujourd'hui, à cette occasion. Voici cet article, republié sans changement.

_________________

De nombreux livres et articles ont présenté ces dernières années le remarquable cas d'atterrissage supposé d'un ovni à la fin de décembre 1980 dans la forêt de Rendlesham, près des bases britanniques de Woodbridge et Bentwaters, dans le Suffolk. Il n'est pas sans intérêt de noter que ces deux bases aériennes, occupées alors par l'armée de l'Air américaine, disposaient d'un stock important et très secret d'armes nucléaires. Nous savons qu'il est classique d'observer des ovnis à proximité d'installations nucléaires, en particulier des bases possédant des armes nucléaires.

La forêt de Rendlesham

Cette affaire complexe comprend de nombreux témoignages, et même un mémo officiel de l'armée de l'Air américaine, signé par le lieutenant-colonel Charles Halt, à l'époque commandant adjoint de la base de Woodbridge. Halt l'avait écrit le 13 janvier 1981 pour rendre compte de l'incident, dont il était lui même l'un des témoins. Dans l'esprit de Halt, son mémo devait rester secret, or il fut obtenu aux Etats-Unis en 1983 par des enquêteurs du groupe CAUS (Citizens Against UFO Secrecy) en application de la loi sur la liberté de l'information (FOIA).

Alors que, à l'époque, l'incident était resté confidentiel avec juste quelques rumeurs locales, la découverte de ce mémorandum officiel fut rapidement révélée en octobre 1983 dans la presse, d'abord dans le magazine populaire britannique The News of the World, puis avec réticence dans les journaux "sérieux" comme le Times et le Guardian. Plus tard, le colonel Halt a confirmé publiquement son témoignage à plusieurs reprises, notamment à la télévision britannique en 1991 et en 1994. L'affaire a encore été présentée le 15 mars 2003 par la chaîne BBC 3, avec plusieurs témoins, principalement le colonel Halt et l'ancien sergent James Penniston, autre témoin important de l'incident. Selon Graham Birdsall, directeur de UFO Magazine (numéro de mai 2003) (1), alors que le titre de l'émission évoquait un "mythe" ufologique, ces témoins et d'autres, notamment des civils qui ont vu passer l'ovni, ont donné une impression favorable de cet incident, malgré les opinions négatives de plusieurs sceptiques, également présents à l'émission. Incidemment, rendons ici hommage à la mémoire de Graham Birdsall, décédé brutalement en septembre 2003 des suites d'une hémorragie cérébrale, qui a été l'un des piliers de l'ufologie britannique et même internationale.

Le lieutenant-colonel Charles Halt

C'est donc une affaire qui reste actuelle aujourd'hui, et qui semble conforter l'hypothèse de "visiteurs" extraterrestres sur notre planète. Jacques Vallée a cependant exprimé en 1991 une opinion sceptique dans son livre Révélations. Pour lui, ce serait une expérience militaire de manipulation de l'opinion, visant à faire croire à une visite extraterrestre. La question d'une manipulation se pose, en effet, dans l'affaire de Rendlesham, mais peut-être pas du tout dans le sens que suggère Vallée. Un aspect peu connu de ce dossier est un récit du sergent Jim Penniston, recueilli en 1994 par un enquêteur lors d'une séance sous hypnose, dans lequel il a fait des révélations sensationnelles : les occupants de cet ovni étaient des humains venus d'un lointain futur, autrement dit, des "voyageurs temporels" ! Que peut-on penser d'une telle révélation ? On sait que l'hypothèse des voyageurs temporels venus de notre futur, si elle séduit certains, repose néanmoins sur des bases très fragiles, aux limites de la physique la plus spéculative. Or, comme je vais essayer de le montrer, il se pourrait que Penniston ait été victime, avec d'autres témoins, d'une manipulation destinée à brouiller les pistes. Mais résumons d'abord brièvement cet incident.

Le récit de l'incident

Une première observation rapprochée d'un ovni eut lieu dans la nuit du 25 au 26 décembre 1980, dans la forêt de Rendlesham, située entre la base de Woodbridge et la côte proche de la mer du Nord. Elle fut rapportée le lendemain matin par le sergent James (Jim) Penniston, le soldat John Burroughs, qui étaient de garde cette nuit là à la porte Est de la base, et le soldat Edward Cabansag qui les accompagna dans la forêt. Le colonel Halt l'a mentionnée dans son mémo du 13 janvier, mais avec, semble-t-il, une confusion sur la date car il y parle de la nuit du 27 décembre. Or les témoignages, notamment celui de l'officier auquel les soldats ont fait leur rapport, Fred Buran, confirment tous la nuit du 25. A ce détail près, le mémo du colonel Halt est l'une des pièces les plus solides du dossier.

James Penniston à l'émission BBC3

Dans son mémo intitulé "Lumières inexpliquées", le colonel Halt raconte que, vers 3 h du matin, deux soldats américains de la sécurité ont aperçu des lumières inhabituelles non loin de la porte d'entrée de Woodbridge. Les deux gardes, pensant qu'un avion s'était écrasé, ont demandé l'autorisation d'aller voir, qui leur a été donnée. Trois hommes sont partis à pied, et ont ensuite rapporté qu'ils avaient vu un étrange objet lumineux dans la forêt. Ils l'ont décrit comme étant

"d'apparence métallique et de forme triangulaire, d'environ deux ou trois mètres de large à la base et d'environ deux mètres de haut. Il illuminait la forêt tout entière d'une lumière blanche. L'objet lui même avait une lumière rouge pulsante au sommet et une série de lumières bleues en dessous. L'objet était, soit en vol stationnaire, soit posé sur des pieds. Alors que les gardes s'approchaient, il a manoeuvré à travers les arbres et a disparu. A ce moment, les animaux d'une ferme voisine sont devenus très agités. L'objet a encore été vu brièvement près de la porte d'entrée environ un heure plus tard".

L'ovni de la première nuit. Vue d'artiste. (UFO Magazine)

Le colonel Halt dit ensuite avoir participé le lendemain à une inspection des lieux, lors de laquelle on a trouvé trois empreintes là où l'objet avait été vu au sol. Elles mesuraient 7 pouces (17,8 cm) de diamètre et un pouce et demi (4 cm) de profondeur. Il y avait des traces de radioactivité bêta/gamma, de 0,1 milliröntgen, avec des pointes dans les trous et au centre du triangle.

L'ovni fit une nouvelle apparition dans la nuit du 27 au 28 décembre. Cette fois, une patrouille partit sur les lieux, dirigée par le lieutenant-colonel Halt lui-même, qui a raconté l'incident, d'abord dans son mémorandum du 31 janvier, et plus tard de manière plus claire et détaillée. Les enquêteurs ont même obtenu la bande-son enregistrée sur magnétophone par Halt et ses hommes alors qu'ils progressaient vers la lumière dans la forêt, révélant une grande tension parmi eux. Voici ce qu'il dit dans son mémo :

"Plus tard dans la nuit, une lumière ressemblant à un "soleil rouge" a été vue à travers les arbres. Elle se déplaçait et pulsait. A un moment, elle s'est mise à émettre des particules lumineuses, s'est scindée en cinq objets blancs et a disparu. Juste après, trois objets ressemblant à des étoiles ont été remarqués dans le ciel, deux vers le nord et un vers le sud, tous à environ dix degrés au-dessus de l'horizon. Les objets se déplaçaient rapidement en mouvements angulaires aigus, et arboraient des lumières rouges, vertes et bleues. Les objets au nord étaient de forme elliptique, vus avec des jumelles de 8-12. Elles ont pris ensuite une forme pleinement circulaire. Ces objets sont restés dans le ciel pendant une heure ou plus. L'objet au sud a été visible pendant deux ou trois heures, et il émettait un pinceau de lumière vers le bas, de temps en temps".

Le colonel Halt signale pour finir que de nombreuses personnes, y compris lui même, ont été témoins de ces observations.

Une affaire qui n'est pas classée

De nombreux sceptiques se sont employés à mettre en doute cette affaire, qui reste ouverte encore aujourd'hui. L'une des explications qui ont été proposées, notamment par l'astronome Ian Ridpath, est que Halt et ses hommes avaient vu en réalité le phare de Orfordness, qui se trouvait à quelques miles de là. Mais Halt a répondu que cette explication était ridicule. Il connaissait bien le phare, savait où il se trouvait et l'avait bien repéré cette nuit-là.

De son côté, Nick Pope a réexaminé l'affaire alors qu'il était responsable des ovnis au ministère de l'Air, de 1991 à 1993. Il note, dans son livre Open Skies. Closed Minds (2), que le niveau de radiation cité par le colonel Halt était dix fois supérieur au niveau normal dans la campagne anglaise, après vérification qu'il a faite lui-même auprès du service de protection radiologique de la Défense. Il affirme que le secret a plané sur toute cette affaire :

" Un nuage de secret a recouvert Rendlesham. Le personnel de la base, comme le lieutenant Jim Penniston, a remarqué une activité inhabituelle dans les jours qui ont suivi. Des vols non annoncés sont arrivés et repartis. On a dit à Penniston de se tenir tranquille et d'oublier. Même Halt a été laissé dans le noir. Ses supérieurs lui ont dit de soumettre son rapport au ministère de la Défense, ce qu'il a fait. Mes prédécesseurs ne semblent pas avoir réagi, et Halt, très justement, trouve cela incompréhensible".

Apparemment, la trace de son rapport s'était perdue dans les méandres du ministère, et Halt, très surpris et irrité, attendait toujours une réaction quinze ans plus tard. Cette opinion de Nick Pope, qu'il y a eu un cover-up sur Rendlesham, est partagée par l'un de ses prédécesseurs au ministère de l'Air, Ralph Noyes, selon Timothy Good qui cite aussi la même opinion de Lord Hill-Norton, ancien chef d'état-major de la Défense britannique, dans son livre Beyond Top Secret (3).

En 1994, Charles Halt, alors à la retraite, a admis qu'il n'avait pas tout dit dans son rapport (il attendait un débriefing complet qui n'a jamais eu lieu), et il a donné de nouvelles informations à l'occasion d'une conférence à Leeds. Selon Graham Birdsall, organisateur de cette conférence, Halt lui a révélé, devant plusieurs témoins, qu'un avion de transport militaire américain Galaxy (gros porteur) avait atterri de nuit à Woodbridge à l'époque de l'incident et avait déchargé des hommes et du matériel dans une zone reculée de l'aérodrome. Un "groupe spécial" était allé directement à la zone de la porte Est. Personne n'a su ce qu'ils y faisaient et quels avaient été les résultats de leurs investigations. Halt était allé voir ce qui se passait - il était le commandant adjoint de la base ! - mais il avait été arrêté par des gardes en uniforme non identifié, qui lui avaient dit de ne pas s'occuper de cette affaire (4).

Pendant une vingtaine d'années, le ministère de la Défense britannique, le "MOD", s'est employé à minimiser l'incident en expliquant qu'il n'avait pas de "signification pour la défense" ("of no defence significance"). Or de nouveaux documents officiels ont fait surface en 2001, contredisant cette version. Ils prouvent notamment que l'enregistrement audio fait par l'équipe du colonel Halt avait été remis au général Charles Gabriel, chef de l'armée de l'Air américaine en Europe, en poste à la base de Ramstein en Allemagne, qui avait visité la base de Bentwaters. Cela s'était fait à l'insu des militaires britanniques (5)

Beaucoup d'autres témoignages ont été recueillis par les enquêteurs américains et britanniques, si bien que l'affaire de Rendlesham commence à ressembler à un Roswell britannique, selon le mot de Nick Pope. Elle s'avère bien plus complexe que le simple récit initial du colonel Halt, et certains aspects en sont encore obscurs. L'un des témoignages les plus intéressants demeure celui du sergent Penniston, que tous les enquêteurs qui l'on rencontré considèrent comme crédible. Il a raconté lors de l'émission de télévision Strange but True, à laquelle il avait participé avec le colonel Halt en 1994, et de nouveau lors de l'émission récente de BBC 3, qu'ils avaient beaucoup de mal à avancer, comme s'ils avaient rencontré une barrière invisible. L'air était rempli d'électricité, a raconté Penniston : "nous pouvions la sentir sur notre peau en approchant de l'objet. Une lumière blanche de grande intensité émanait du dessous de l'engin, qui était bordé par une lumière alternativement rouge et bleue". En haut sur le côté gauche, il y avait une inscription, des symboles qui lui paraissaient familiers, mais il ne savait pas pourquoi. La surface de l'objet paraissait moulée dans un matériau vitreux d'aspect noir-fumeux, sans aspérités. Les hommes de la sécurité ont observé ce spectacle pendant environ vingt minutes, après quoi l'engin a commencé à se déplacer en contournant les arbres, puis est parti à toute vitesse (6).

Un autre aspect, peut-être important et révélateur de toute cette affaire, est que, selon plusieurs témoins, des faisceaux de lumière provenant d'un ovni étaient allés frapper les bunkers renforcés contenant des armes nucléaires, du côté de la base proche de Bentwaters, et les avaient peut-être "affectées de quelque façon" (7).

Enfin, une partie très controversée de l'incident est rapportée par un autre témoin, l'ancien soldat de la base Larry Warren, dans son livre Left at East Gate (8), écrit avec l'enquêteur américain Peter Robbins. Il est certain que Warren avait participé à l'observation de la seconde nuit mais il en a fait un récit très surprenant. Selon lui, le colonel Gordon Williams (plus tard général de division), commandant de la 81eme unité tactique aérienne à Bentwaters/Woodbridge, serait venu sur place et serait entré en contact avec les êtres qui se trouvaient à l'intérieur de l'engin!

Son témoignage a été mis en doute, non seulement par le général Williams et le colonel Halt, mais aussi par l'excellente journaliste britannique Georgina Bruni, qui a refait toute l'enquête et l'a publiée dans son livre You Can't Tell the People (9). Elle a rencontré notamment le général Williams qui lui a confirmé qu'il n'était pas à Woodbridge à ce moment là. Son livre est au demeurant très positif sur l'authenticité de l'affaire. Ce qui semble certain, c'est que Larry Warren, qui avait bien participé à l'incident de la seconde nuit, avait subi ensuite un interrogatoire très dur de la part des enquêteurs militaires américains. D'autres témoins avaient été soumis au même traitement, comme on va le voir plus loin. Les pressions dont ils ont fait l'objet posent la question d'une possible manipulation des autorités militaires pour brouiller les pistes.

La thèse de Jacques Vallée dans Révélations

En France, le cas est connu surtout à travers le livre de Jacques Vallée, Révélations, dans lequel il nous livre son opinion :

"Pour ma part, je crois que la théorie la plus plausible, sur la base des faits actuels, est que les militaires américains ont développé un appareil ou une série d'engins qui ressemblent à des soucoupes volantes. Destinés principalement à la guerre psychologique, ils seraient en cours d'essais sur le personnel militaire. Si des fuites se produisent, la couverture de l'opération peut, tout simplement, consister en une déclaration semi-officielle selon laquelle l'objet en question était en fait un ovni" (10).

Curieuse explication. La thèse qu'illustre là Jacques Vallée, qu'il a soutenue par ailleurs dans de nombreux écrits, est que beaucoup d'observations d'ovnis sont en fait des mises en scène organisées par des services secrets militaires américains, pour d'obscures raisons, telles que des expériences de manipulation de l'opinion, ou un stratagème pour cacher des engins secrets qui ressemblent à des ovnis. Incidemment, Jacques Vallée a avancé de nouveau ce genre d'explication en 2002 pour expliquer les "crop circles", qui seraient selon lui des essais secrets d'armes à faisceau dirigé britanniques. Une hypothèse qui a été réfutée notamment, avec aisance, par le physicien Bruce Maccabee (voir la liste UFO Updates, 8 octobre 2002). Mais laissons de côté ce dossier très complexe et mystérieux des "crop circles" et intéressons-nous à une autre explication de Rendlesham, celle des voyageurs temporels (time travelers). Elle apparaît notamment dans des livres de Linda Howe et de Georgina Bruni.

"Révélations" sur des voyageurs temporels

Dans son livre Glimpses of Other Realities, Volume 2 : High Strangeness, Linda Howe cite le témoignage du sergent James Penniston. Il s'agit d'une séance d'hypnose réalisée en 1994 et enregistrée par l'enquêteur Benton Jamison, qui en a fourni une copie sur audiocassette à Linda Howe. Penniston s'est remémoré sous hypnose comment il avait subi, très rapidement après l'observation, une séance de "debriefing" menée par des agents spéciaux de l'AFOSI (l'agence d'enquêtes spéciales de l'armée de l'Air américaine), combinant l'hypnose et le penthotal (ils lui avaient fait signer une décharge les autorisant à le faire !). Linda Howe note que cela pouvait leur permettre d'effacer sa mémoire, et de la manipuler, au moins en partie (11)

Jim Penniston se rappelle s'être approché de l'ovni, alors qu'il était au sol, et avoir touché des "symboles " qui figuraient sur sa paroi, à la suite de quoi il avait reçu des "révélations" télépathiques. Selon celles-ci, les occupants de l'ovni n'étaient pas des extraterrestres, mais des humains voyageant dans le temps et venus d'un lointain futur (30 000 ou 40 000 ans !). Il a appris qu'ils viennent nous visiter, depuis longtemps, pour récolter nos chromosomes car ils sont en dégénérescence et sont devenus incapables de se reproduire. Leurs enfants ont des corps sans cheveux, la peau pâle et de grands yeux pour "récolter plus de lumière" car "l'avenir de la terre sera différent". Ils ne peuvent aller que dans le passé (et en voyageant à grande vitesse dans l'espace) mais peuvent cependant retourner dans leur époque avec ces précieux chromosomes.

Cette "révélation" faite sous hypnose présente bien des difficultés ! Elle pose le problème paradoxal du voyage dans le temps, bien connu des amateurs de science-fiction : si l'on modifie le passé, on modifie aussi l'avenir, ce qui est périlleux pour son existence même. En l'occurrence, ils révèlent à Penniston qu'ils ne peuvent aller dans leur avenir, et ne peuvent le modifier. Or on peut se demander si, en venant dans leur passé (notre présent) ils ne modifient pas leur propre avenir. Il y a là des paradoxes très troublants. Linda Howe, bien que méfiante au départ sur le risque de désinformation, semble pourtant accorder du crédit à cette extraordinaire révélation. Il faut reconnaître que cette hypothèse des voyages temporels n'est pas totalement exclue dans la physique la plus avancée. Mais il s'agit de spéculations très fragiles, comme l'explique par exemple un article du New Scientist du 20 septembre 2003, "No going back" ("Pas de retour"). On avait remarqué depuis longtemps que la théorie de la relativité générale ne semblait pas interdire de tels voyages, même si les difficultés à surmonter seraient considérables. Mais on sait aussi que la physique actuelle cherche à dépasser cette théorie pour arriver à une synthèse avec la physique quantique, qui serait la mythique "Théorie du Tout". L'une des principales voies de recherches actuelles est la famille de théories des "supercordes" qui suppose un espace à cinq dimensions ou plus. Or les études les plus récentes, dans ce cadre, semblent indiquer que de tels voyages temporels seraient impossibles, bien que la question reste encore ouverte.

Un autre aspect curieux de ces révélations du sergent Penniston est la suggestion, faite par les agents de l'AFOSI, que les militaires américains préfèrent des fuites éventuelles qui orientent les ufologues vers l'hypothèse extraterrestre, car elle serait moins choquante pour le public que celle des humains venus de notre futur (12). Il y a là une idée que l'on trouve aussi chez Jacques Vallée : ce n'est pas grave que les gens croient à l'hypothèse extraterrestre, et c'est une bonne manipulation pour cacher l'existence d'engins très secrets. Si l'on envisage une telle hypothèse, il reste alors à expliquer pourquoi les militaires américains et les agences gouvernementales s'acharnent, de toute évidence, à nier la présence extraterrestre depuis plus d'un demi-siècle !

Linda Howe cite d'autre part une lettre "supposée" émaner du ministère de la Défense britannique (date et adresse censurées) selon laquelle les êtres observés à Rendlesham (qui étaient sortis un moment de leur engin, selon des témoins) étaient petits - environ 1,50 m et avaient des mains à trois gros doigts avec un pouce opposable comme une pince (p 106). Linda Howe s'interroge avec pertinence sur cette évolution étrange de l'humanité dans 40 000 ans, mais elle ne se demande pas si, par hasard, ce serait l'histoire des time travelers qui serait fausse, et qui aurait été inculquée sous hypnose à Penniston. A ce sujet, celui-ci s'est rappelé qu'à un moment les agents de l'AFOSI s'étaient concertés entre eux pour choisir entre cinq scénarios à lui faire retenir ! (13). Penniston se rappelle qu'il s'agissait de changer les dates, pour semer la confusion. Il y a bien eu, effectivement, des divergences sur les dates entre les témoins qui ont créé un doute sur l'affaire. Mais ce n'était peut-être pas tout ?

Des témoins manipulés ?

Jim Penniston n'est pas le seul témoin à avoir subi des pressions de la part des services de sécurité. C'est le cas, répétons-le, de Larry Warren qui s'est plaint d'avoir été littéralement enlevé sur la base, d'avoir été entraîné dans un lieu souterrain et d'y avoir subi un interrogatoire dont il se souvient à peine. C'est aussi le cas de l'un des témoins de la seconde nuit, le sergent Adrian Bustinza, qui s'en est plaint notamment à Georgina Bruni. Il lui a raconté comment il avait été conduit par des agents en civil dans un local souterrain, où il avait subi un interrogatoire très traumatisant. A un moment donné, l'un des agents lui avait lancé : "les balles sont bon marché, dix centimes la douzaine" ("Bullets are cheap, a dime a dozen") ! (14). Par la suite il avait été surveillé et harcelé par l'AFOSI, et avait été dégradé alors qu'il était un bon sous-officier, et avait fini par quitter l'armée. Le récit de Bustinza, qui concerne la seconde nuit, est très intéressant. Selon lui, l'ovni était bien plus grand que celui de la première nuit, avec au moins 10 m de largeur. Il semblait se maintenir en vol stationnaire à environ 6 m (20 pieds) au-dessus du sol , et il y avait une sorte de brouillard jaune au sol. Il y avait au moins 20 à 30 personnes entourant l'ovni, y compris le colonel Halt. Il y avait même des gens prenant des photos et filmant l'événement ! Lorsque l'engin partit, il le fit sans bruit mais dans un souffle de vent frais. L'objet se sépara alors en trois différentes lumières qui partirent dans différentes directions !

Un autre détail troublant du récit de Bustinza est que l'observation avait eu lieu probablement le 29 décembre et non pas le 27. Ce détail, et quelques autres, comme le déballage de tout un matériel de l'avion Galaxy, suggère que l'affaire de Rendlesham pourrait être encore plus étrange qu'on le pensait. Une rumeur persistante est que l'ovni et les entités avaient été filmés, et que le précieux document avait été acheminé à Ramstein.

Se pourrait-il qu'il y ait eu, au cours d'une troisième nuit d'observation, non pas une mise en scène militaire à la Jacques Vallée, mais un contact, très secret, avec des entités non humaines ? L'hypothèse est évidemment très fragile. Si c'était le cas, pourquoi y aurait-on fait participer de simples soldats, qui risquaient de parler ensuite ? Larry Warren, répétons-le, se rappelle avoir assisté, avec d'autres soldats, à une étrange confrontation entre le colonel Williams et des entités non humaines qui étaient sorties de l'ovni. Bien entendu, le colonel Williams et le colonel Halt ont contesté cette histoire.

Des témoins qui ont vu l'ovni de près n'ont pas vu ces aliens. C'est le cas des trois hommes du premier incident, Penniston, Burroughs et Cabasang, mais aussi de deux témoins directs de la seconde nuit, Bustinza et Battram. En revanche, un témoin a raconté la même chose, sous le sceau du secret, à des amis civils locaux, quelques jours seulement après l'incident. Il se cache sous le pseudonyme de Steve Roberts et quelques personnes seulement connaissent son identité. Malheureusement, il a modifié plusieurs fois son témoignage, niant aussi bien l'ovni que les aliens, puis confirmant l'ovni mais niant les aliens, comme il l'a raconté à Georgina Bruni qui a réussi à le retrouver. Elle cite dans son livre un troisième témoin, du nom de Wayne, qui aurait vu lui aussi les aliens, mais dont on a perdu la trace. Un autre soldat, Steve La Plume, que Georgina Bruni a également rencontré et qu'elle considère comme crédible, lui a dit que son ami Warren lui avait aussi raconté son histoire quelques jours seulement après l'incident.

Une interprétation des êtres sortant de l'ovni

(Mufon UFO Journal)

Pour tenter de résumer les choses, disons que, dans cette affaire compliquée de Rendlesaham, il y a des points forts, tels que le mémo de Halt, ainsi que des témoins civils extérieurs à la base qui ont vu l'ovni, mais que plusieurs témoins militaires ont subi des interrogatoires et des manipulations qui ont pu altérer leur mémoire. Georgina Bruni cite dans son livre l'opinion d'un expert en désinformation : le meilleur moyen de mettre en doute une histoire est d'en mettre en circulation plusieurs versions contradictoires !

Agents du Pentagone, et risque de désinformation

Dans son livre You Can't Tell the People, Georgina Bruni cite une enquête réalisée par l'Américain Ray Boeche en 1985, sur Rendlesham. Lors de son enquête, il a été approché par deux agents du ministère de la Défense américain, qui lui ont développé toute une théorie selon laquelle l'ovni de Rendlesham était en fait une expérience militaire de manipulation, utilisant des techniques secrètes et sophistiquées de contrôle mental et d'hologrammes. Ray Boeche est resté sur ses gardes, suspectant une manœuvre de désinformation. Georgina Bruni fait opportunément le rapprochement avec la théorie, très proche, de Jacques Vallée (15) , mais elle la met en doute car elle ne voit pas l'intérêt d'une telle mise en scène, surtout à proximité de bases aériennes nucléaires très sensibles, sur lesquelles il n'y avait aucun intérêt à attirer l'attention du public. L'existence d'un dépôt d'armes nucléaires était très secrète. A ce sujet, Graham Birdsall note que la base de Woodbridge-Bentwaters abritait à l'époque l'un des plus grands dépôts d'armes nucléaires de l'Europe de l'Ouest :

"C'était le secret le mieux tenu de tous, car la campagne pour le désarmement nucléaire était à son plus haut niveau, et c'était la base de la RAF à Greenham Common qui était le point focal des manifestations pendant la livraison des missiles de croisière américains".

Disons que, dans ce contexte, il aurait été parfaitement maladroit d'attirer l'attention sur Rendlesham avec une bizarre mise en scène ovni, dans le but de cacher l'existence d'on ne sait quels engins secrets ! Cependant, Georgina Bruni spécule ensuite, à partir de ces idées, sur les hypothèses de voyageurs temporels ou venant d'"autres dimensions". Ce curieux épisode, où entrent en scène deux agents secrets américains, nous ramène à un autre document reproduit par Linda Howe dans son livre, qui pose lui aussi la question du risque de manipulation.

Dans le livre déjà cité de Linda Howe, celle-ci reproduit intégralement une lettre que lui ont adressée en 1994 les deux agents secrets du Pentagone, ceux-là même qui avaient "informé" (ou désinformé?) Ray Boeche sur Rendlesham en 1992 (16). C'est justement Ray Boeche, contacté de nouveau par les agents, qui informe Linda Howe qu'elle va recevoir cette lettre. Celle-ci lui est adressée anonymement sous forme de disquette informatique, datée du 21 juin 1994. Dans cette assez longue lettre, les deux agents louent d'abord l'excellence de son travail, puis s'emploient à la convaincre que les aliens ne sont pas des extraterrestres, mais des "Entités Non Humaines", ou "NHE", qui viennent d'une autre dimension et ne cessent de nous manipuler depuis des milliers d'années, en nous faisant croire notamment, de nos jours, qu'ils sont des extraterrestres. Nos agents du Pentagone citent comme manipulations de ce type les mutilations de bétail, les enlèvements, le crash de Roswell. Ils ne posent pas expressément l'hypothèse des voyageurs temporels, mais Linda Howe (17) le fait en commentant la lettre, sans doute à la suite des révélations de Penniston.

Enfin, ces deux agents secrets recommandent vivement à Linda Howe les livres du Dr Jacques Vallée, notamment Passport to Magonia (1969. Trad. française : A la recherche des extraterrestres, 1972), et Messengers of Deception (1979. Trad. française : La grande manipulation, 1983), qui selon eux "s'approchent tant" de la vérité ! Linda Howe, manifestement flattée d'avoir reçu des éloges d'agents secrets du Pentagone, semble prendre à son compte les idées qui y sont présentées. Je tiens Linda Howe pour une enquêtrice remarquable, mais qui a été plus d'une fois visée par des actions de manipulation, telles que celles de Richard Doty, de l'AFOSI. Pour ma part, je ne peux que trouver toutes ces révélations fort suspectes. J'y vois, une fois de plus un dénominateur commun : la mise en doute ou la négation de l'hypothèse extraterrestre. Or c'est bien, je le rappelle, la ligne gouvernementale américaine depuis plus de cinquante ans. Et l'intervention avérée d'agents du Pentagone ne fait que renforcer le doute à leur sujet.

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Notes 1 UFO Magazine (britannique), "Britain's closest encounter", mai 2003.

2 Nick Pope, Open Skies, Closed Minds, Simon & Schuster, Londres, 1996.

3 Timothy Good, Beyond Top Secret, Sidgwick & Jackson, Londres, 1996, pp. 56 à 77.

4 The Unopened Files (publication de UFO Magazine), N° 1, 1996.

5 Georgina Bruni, "The Rendlesham Files", dans UFO Magazine, septembre 2001.

6 Timothy Good, Beyond Top Secret, p. 62.

7 Ibid., pp. 76-77.

8 Larry Warren et Peter Robbins, Left at East Gate, Michel O'Mara Books, Londres, 1997.

9 Georgina Bruni, You Can't Tell the People, Sidgwick & Jackson, Londres, 2000.

10 Jacques Vallée, Révélations, Robert Laffont , Paris 1922 (Ed. orig 1991), pp. 190, 191.

11 Linda Moulton Howe, Glimpses of Other Realities, Vol. 2, High Strangeness, publié par l'auteur, 1998, pp. 199 à 211. Site web : http://earthfiles.com/realxfiles

12 Ibid., p. 103.

13 Ibid., p. 105.

14 Georgina Bruni, You Can't Tell the People, p. 201.

15 Ibid., pp. 356 à 360.

16 Linda Moulton Howe, Glimpses of Other Realities, Vol. 2, High Strangeness, pp. 123 à 127.

17. Ibid., p. 125.