Gildas Bourdais, juin 2001
Nouveau : En annexe, une correspondance avec Fabrice Bonvin.
Un nouveau livre, paru en mai 2011 aux Etats-Unis, a vite fait du bruit : « Zone 51 : Une histoire non censurée de la base militaire américaine top-secrète »(Area 51 : An Uncensored History of America’s Top Secret Military base ). L'auteur, Annie Jacobsen, semble avoir de sérieuses références. Elle est une journaliste diplômée de la prestigieuse université de Princeton, et a écrit des reportages dans des journaux connus, comme le Los Angeles Times.
Son livre a rapidement attiré l’attention des médias, et a ouvert une vive polémique. Pourquoi cela ? Pas sur le sujet principal de son enquête, l’histoire de la mystérieuse Zone 51 – encore que des experts y ont trouvé des erreurs - mais parce qu’elle raconte à la fin du livre un nouveau scénario sur le crash de Roswell, qui lui aurait été révélé par un ancien ingénieur de la Zone 51 ayant participé à l’étude de l’ovni.
Disons-le tout de suite : c’est peut-être le scénario le plus ridicule qu’on ait proposé à ce jour sur le crash de Roswell ! Plus fort encore que Nick Redfern et son livre Body Snatchers in the Desert. Ce livre, paru en 2005, racontait déjà une histoire à dormir debout d’essais d’irradiation en vol, à bord d’une aile volante Horten, sur des prisonniers des Japonais soit disant récupérés par les Américains en 1945 en Mandchourie, où ils n’avaient pas mis les pieds, ce pays ayant été libéré par les Russes. Voir mon article, sur mon blog, à :
http://bourdais.blogspot.com/2008/03/roswell-et-un-livre-de-nick-redfern.html
Eh bien, Annie Jacobsen fait encore plus fort que Redfern. Le journal britannique Daily Mail Online du 16 mai 2011 résume ainsi son scénario : "Une révélation explosive sur le crash de Roswell en1947 : un nouveau livre prétend que l'"engin alien" accidenté était une invention nazie et que les corps d'"aliens" supposés étaient ceux d'aviateurs mutants malformés, œuvre du Dr Joseph Mengele, l"ange de la mort" du Troisième Reich. Et c'était orchestré par le leader soviétique Josep Staline pour effrayer les Américains".
Le crash de Roswell selon Annie Jacobsen
Je cite entièrement l’article du Daily Mail Online qui semble bien résumer son histoire :
« C’est l’une des plus grandes théories de conspiration de tous les temps sur les « aliens ». Mais à présent un nouveau livre a trouvé une nouvelle explication, encore plus bizarre, pour le crash supposé d’un engin alien à Roswell en 1947 : c’était un plan monté par Staline pour effrayer les Américains. Après avoir interviewé d’anciens travailleurs de la controversée Zone 51 au Nevada, l’auteur Annie Jacobsen a révélé un récit fantastique impliquant l’ancien leader soviétique, le savant nazi Joseph Mengele et un groupe d’aviateurs malformés à l’ « allure d’enfants ». Selon le livre de Mme Jacobsen, « Zone 51, une histoire non censurée », Staline avait conçu une machination pour créer une panique d’une ampleur comparable à celle causée par la célèbre émission radiophonique d’Orson Welles en 1938 qui avait mis en scène l’invasion extraterrestre fumeuse de « La guerre des mondes ».
« Utilisant un seul chasseur à réaction nazi capturé, appelé le Horton HO 229, Staline avait conçu le plan de faire atterrir l’avion aux Etats-Unis avec à son bord des aviateurs à « l’allure d’enfants malformés ». Il était escompté, écrit Mme Jacobsen, que cet atterrissage causerait une panique terrible chez les Américains. Pour créer ces créatures monstrueuses, il avait fait appel au Dr Mengele, surnommé « L’ange de la mort » à la suite de ses horribles expériences sur des prisonniers dans un camp de concentration (Auschwitz). Staline avait eu recours à l’expertise de Mengele pour créer ces monstres à l’allure d’enfants, en échange de la fourniture d’un laboratoire d’eugénisme. Apparemment, Mengele, qui se cachait à l’époque en Amérique du Sud, ayant fui l’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avait jugé que le projet valait bien de prendre un risque pour sa sécurité.
« Le crash de Roswell s’est inscrit, chez les adeptes de théories conspirationnistes, comme un « cover-up » du gouvernement américain. Selon cette histoire, une soucoupe volante alien s’était écrasée inexplicablement à Roswell, Nouveau-Mexique, avec des aliens gravement blessés à son bord. A l’époque, les porte parole de la base militaire de Roswell avaient dit qu’un « disque volant » avait été trouvé, mais seulement quelques heures plus tard cette déclaration avait été rétractée en affirmant qu’il s’agissait en fait d’un ballon météo. L’incident avait été à peine rapporté, jusque dans les années 70 quand une série de livres et de documentaires avaient fait renaître les théories de la conspiration selon lesquelles un atterrissage alien avait bien eu lieu.
« Selon le livre (de Jacobsen), le stratagème ne s’était PAS déroulé comme prévu. L’avion, piloté à distance, s’était écrasé lors d’un orage électrique, et le gouvernement américain avait agi rapidement pour cacher l’incident. Mlle Jacobsen a écrit :
« Ils trouvèrent des corps à côté de l’appareil. Ce n’étaient pas des aliens. Ils n’étaient pas non plus des aviateurs volontaires. Ils étaient des cobayes humains. D’une petitesse inhabituelle pour des pilotes, il s’avéra qu’ils étaient des enfants. Chacun d’eux mesurait moins d’un mètre et demi (cinq pieds). Ils étaient déformés de manière grotesque, mais tous de la même manière. Leur tête était plus grosse que la normale et leurs yeux étaient également plus grands, de forme anormale. »
« Il n’est pas dit clairement comment le Dr Mengele avait réussi à « créer » ces pilotes malformés mais, selon Mlle Jacobsen, certains avaient été trouvés dans le « coma mais encore vivants » après le crash de Roswell. La source de Mlle Jacobsen pour cette histoire fantastique est un ingénieur à la retraite de la société EG&G qui avait travaillé à la Zone 51 en 1978. Cette société a été chargée de nombreux projets secrets du gouvernement américain. »
Quelques remous dans les médias
Même sans être historien, on voit tout de suite le ridicule du dossier. Alors, est-ce la peine d’en parler ? A mon avis, oui, parce que ce livre a eu pas mal d’échos dans les médias, jusque dans les colonnes du New York Times, où l’on a pu lire ce commentaire ambigu à souhait, cité sur le site Ufocasebook :
« Bien qu’il relie les fils de cette histoire dans un additif vite écrit d’un livre qui est par ailleurs une enquête honnête sur l’histoire de l’aviation militaire, il laisse une impression indélébile . « Zone 51 », va sans doute rester connu surtout pour cette provocation de science-fiction ».
(Source : http://www.ufocasebook.com/2011/bookussrroswell.html).
Une pirouette, mais un petit coup de pouce, tout de même, de l’ « éminent » quotidien, toujours aussi sceptique sur les ovnis.
Certes, Annie Jacobsen s’est fait brocarder par les journalistes de télévision, comme Bill Weir à son Night Line show, et Jon Stewart à son Daily show (voir les vidéos sur le site http://ovnis-usa.com/ de la radio Ici et Maintenant). Mais certains commentateurs sceptiques n’ont pas manqué l’occasion de dire que toutes ces histoires sur Roswell se valent, y compris celle d’Annie Jacobsen. Une journaliste, Maggie Shaw, l’a même trouvée plus probable que les autres : « La probabilité que cela soit arrivé est plus grande que toutes les autres explications que j’ai entendues » ! Même en France, certains lui trouvent des mérites. On voit comment la confusion peut s’installer, une fois de plus, à la faveur d’une histoire aussi absurde. C’est pourquoi il faut en parler.
Quant à la source anonyme d’Annie Jacobsen, le journaliste Bill Weir l’a retrouvé, et voici ce qu’il en a dit, selon l’article de Space Review. Il l’a trouvé confus, et son histoire n’était pas « consistente » par rapport à celle de Jacobsen (« inconsistent with hers »). Il a dit en outre qu’il avait raconté cette histoire pour « aider le livre d’Annie ». Le journaliste de Space Review fait cette remarque que je trouve assez pertinente : «Ma propre théorie est que, soit il lui faisait une blague, soit il cherchait à la discréditer (« My own theory is that he was either pulling her leg, or seeking to discredit her. »). Un autre enquêteur, Anthony Bragalia, pense l’avoir retrouvé lui aussi. Il serait bien un ancien ingénieur de la Zone 51, ayant travaillé aux essais nucléaires, et âgé aujourd’hui de 89 ans. Bragalia suppose qu’il se serait laissé convaincre de la véracité de cette « histoire fantaisiste que les autorités avaient choisi de propager ».
Pourquoi cette histoire est absurde
Voilà donc l’histoire selon Annie Jacobsen : oubliez les ovnis, les ET, et aussi, d’ailleurs, le ballon Mogul de l’Air Force. Le crash de Roswell, c’était juste une mauvaise plaisanterie du « Petit père des peuples » qui s’était pris pour Orson Welles ! Il est facile de montrer l’absurdité de cette histoire, en quelques arguments, mais elle exploite certaines rumeurs persistantes sur lesquelles c’est l’occasion de revenir, telles que le mythe des « soucoupes volantes nazies », qui servent encore, aujourd’hui pour mettre en doute la réalité des ovnis, et en particulier de la première vague d’observations, en 1947.
Les aviateurs de Roswell ne pouvaient par prendre un avion pour une soucoupe !
La première question à se poser, me semble-t-il, est la même que pour les ballons météo de l’Air Force, à l’unité ou en grappe: comment les aviateurs de Roswell, qui étaient l’élite de l’armée de l’Air américaine, auraient-ils pu prendre une copie d’aile volante allemande pour une soucoupe volante, et en annoncer fièrement la découverte au monde entier, avec leur célèbre communiqué du 8 juillet 1947 ? Ils connaissaient très bien tout ce qui volait. Pour en donner une idée, le sergent-chef Lewis Rickett, l’assistant du capitaine Cavitt qui avait inspecté le ranch Foster avec le commandant Marcel, était un très bon mécanicien qui avait fait partie d’une équipe envoyée en Allemagne à la fin de la guerre pour récupérer des matériels intéressants. Il ne manquait pas de monde sur la base pour identifier un avion allemand, même copié par les Russes. Leurs bombardiers B-29 étaient à la pointe de la technologie, et les Russes avaient eu beaucoup de mal à le copier, en 1945-46
L’aile volante Horten H IX V2 (ou GO 229 A) en février 1945, en Allemagne sur le terrain de Oranienburg. Il va s’écraser à son premier vol.
Manipulations génétiques ou opérations chirurgicales ?
Comment peut-on croire à cette histoire horrible d’enfants auxquels le Dr Mengele aurait donné, à coups de scalpel, une tête d’aliens avec grosse tête et grands yeux, un modèle dont personne n’avait encore entendu parler à l’époque ? Et d’abord, comment aurait-t-il fait cela ? Par manipulations génétiques, ou par interventions chirurgicales ?
Sur l’hypothèse de manipulations génétiques, rappelons que la structure de l’ADN a été découverte par les Britanniques James Watson et Francis Crick en 1953 et que, un demi-siècle plus tard, l’idée de modifier des humains en les manipulant relève encore (heureusement) de la science-fiction. L’idée d’un Dr Mengele généticien génial dans les années quarante, ou plutôt dans les années trente puisque ces enfants étaient censés avoir une dizaine d’années en 1947, est grotesque. S’il s’agit « seulement » de chirurgie, on est aussi dans la science-fiction de cauchemar, à l’instar des animaux rendus humains sous le scalpel d’un médecin fou dans le roman « l’Ile du Dr Moreau » de H.- G. Wells.
Une foule de questions viennent encore à l’esprit. Comment Staline aurait-il pu aller chercher le Dr Mengele, alors réfugié en Amérique du Sud ? Combien de temps aurait-il fallu au Dr Mengele, une fois embauché par les Soviétiques, pour « fabriquer » des enfants effrayants à tête d’alien ? Comment les Soviétiques auraient-ils pu introduire ces enfants, installés à bord un avion secret copié sur une aile volante allemande, en 1947 au cœur des Etats-Unis ? De combien de temps disposaient-ils pour réaliser ce programme à couper le souffle ? Les premières « soucoupes volantes » apparaissent dans les médias américains dans les jours suivant l’observation de Kenneth Arnold, le 22 juin 1947, quelques jours avant Roswell. Mince, ils ont fait vite ! A cela, certains répondent que les Américains et les Russes avaient déjà fait des copies des ailes volantes, et même de très secrètes soucoupes volantes nazies, récupérées à la fin de la guerre. Ils auraient donc eu du temps pour monter leur coup, ainsi, peut-être, que la vague elle-même des soucoupes de 1947 ! Voyons cela de plus près.
Les ailes volantes Horten
Les rumeurs sur les « soucoupes volantes nazies » sont apparues au début des années cinquante. On n’a jamais vu ces soucoupes – pas même une, prenant la poussière dans le fond d’un hangar, et leur existence a été réfutée par tous les historiens sérieux de l’aviation, mais certains y croient encore aujourd’hui. Certains de leurs partisans supposent que les Nazis les avaient expédiées dans des bases secrètes, par exemple dans l’Antarctique ou, pourquoi pas, dans la Terre creuse, autre mythe increvable ! Et pourquoi pas sur la Lune ou sur Mars, tant que nous y sommes ?
Essayons d’être sérieux. Selon ces rumeurs, les soucoupes volantes des années quarante étaient en fait des engins de fabrication humaine, dérivés des ailes volantes et soucoupes nazies. Il faut distinguer entre de vrais avions secrets, tels que les ailes volantes Horten allemandes qui ont bien existé, et ces hypothétiques « soucoupes volantes », dotées de moyens de propulsion avancés, qui auraient été expérimentées sous le régime nazi. Annie Jacobsen semble n’avoir a cité que l’aile volante Horton 229 (lire Horten), mais les médias ont bel et bien parlé de soucoupe volante nazie à propos de son livre. L’amalgame est vite fait, et il faut donc en parler aussi.
Réglons vite la question des ailes volantes Horten allemandes, car il est clair qu’elles ne tiennent pas du tout la route, ni pour expliquer une mise en scène à Roswell, ni pour expliquer, d’ailleurs, la vague des soucoupes volantes de 1947 et ses suites, comme certains ont pourtant tenté de le faire. Je renvoie le lecteur à deux articles sur ce blog. L’un, déjà cité plus haut, sur le livre de Nick Redfern, Body Snatchers in the Desert ; l’autre, sur la vague d’ovnis des premières années qui est aujourd’hui pleinement confirmée par des documents militaires américains :
2008 La vague de 1947 et les documents militaires américains
http://bourdais.blogspot.com/2008/05/la-vague-de-1947.html
Il y avait en Allemagne, à la fin de la guerre, deux prototypes d’ailes volantes Horten à réaction : le Horten H IX V2, dont le premier vol eut lieu le 18 février 1945, mais qui s’écrasa en tuant le pilote à cause d’une panne de moteur ; l’autre était le Horten H IX V3 (alias Gotha GO 229A), récupéré par les Américains et expédié aux Etats-Unis. Il était inachevé et n’a jamais été terminé car les ingénieurs américains n’étaient pas intéressés, pour la simple raison qu’ils avaient déjà les ailes volantes Northrop, faisant l’objet d’essais en vol. A vrai dire ces ailes volantes, aussi bien américaines qu’allemandes, étaient instables et difficiles à piloter. Le prototype Northrop XP 79B fut détruit lors de son premier vol à Muroc en 1945, tuant également son pilote. La formule de l’aile volante en avait pris, si j’ose dire, un coup dans l’aile. D’autres prototypes, comme la fameuse « crêpe volante », le XF 5-U 1 de Chance-Vought, beaucoup citée pour expliquer les ovnis, avaient été abandonnées. Il faudra attendre le bombardier B2, doté d’une informatique sophistiquée, pour avoir enfin une aile volante opérationnelle.
Essayons d’imaginer les Russes mettant la main en Allemagne sur un modèle analogue, l’acheminant secrètement aux Etats-Unis en 1947 et faisant une mise en scène de soucoupe écrasée avec des enfants malformés à son bord. On voit bien, au premier coup d’œil, que ça ne tient pas debout. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur l’histoire des ailes volantes, recommandons l’excellent livre d’Alain Pelletier Les ailes volantes (Editions ETAI, 1999). On y trouvera notamment les modèles des frères Horten, avec photos et plans trois vues. Venons-en maintenant à ce qu’il faut bien appeler cette « légende » des soucoupes nazies, qui a la peau dure.
La légende des soucoupes nazies
Que n’a-t-on pas écrit, depuis cinquante ans, sur les soucoupes nazies ! Rien qu’en France, plusieurs auteurs-ufologues les ont prises au sérieux, naguère encore. Par exemple, Jean-Claude Sidoun en 2005 dans son livre Ovnis. Guerre froide. « Le grand jeu ». On m’a questionné sur ce livre, et c’est l’occasion de citer un extrait de mon commentaire :
« Il y a énormément de confusion dans ce livre, qui commence avec les mythiques soucoupes nazies que les Américains auraient copiées après 1945. D'où l'idée, introduite non sans habileté, que certaines soucoupes de 1947 étaient en fait des engins secrets. Vient ensuite l'idée que les autorités ont utilisé et favorisé la croyance aux ovnis, notamment avec le crash de Roswell, pour cacher des engins et des expériences très secrets. Ainsi, on aurait peut-être découvert en réalité un essai de lancement de fusée avec des ballons ! Cela ressemble assez à la thèse invraisemblable de Nick Redfern sur des essais très secrets d'irradiation en vol. J'ai remarqué une véritable falsification de l'histoire au sujet de la commission Sign. Sidoun cite le rapport final de cette commission, créée en 1948. Le rapport est sceptique, en effet, sur l'hypothèse d'engins extraterrestres, mais Sidoun omet de préciser qu'il a été rédigé, non pas par l'équipe Sign, mais par l'équipe de la commission Grudge qui l'a remplacée au début de 1949, avec pour directive de dénigrer les ovnis. Or ce n'était pas du tout l'opinion de la vraie commission Sign, qui s'était prononcée en faveur de l'HET sur les ovnis, dans son "Estimate of the Situation" à l'automne de 1948. Cela a été divulgué notamment par le capitaine Ruppelt dans son livre de 1956, et largement confirmé depuis.
Il faut citer aussi Jean-Pierre Troadec, dans un article de la revue Top Secret No 24 (avril-mai 2006) : « Les ovnis nazis. Les plans secrets du Troisième Reich », avec un titre en couverture : « Les OVNIs du IIIe Reich. L’arme secrète des nazis est-elle à l’origine du phénomène ovni ? ». Il me revient à l’esprit que, en octobre 2009, Jean-Pierre Troadec avait présenté mon exposé sur Roswell, lors d’un repas ufologique à Lyon, en disant que Roswell, c’était du « folklore américain ». Heureusement, le public, venu assez nombreux, m’avait bien apprécié. Je pense aussi à Jean-Denis Denocla qui m’avait parlé des soucoupes nazies lors d’une rencontre en août 2009 au village de Fontenoy-La-Joûte. Quant à Fabrice Bonvin, un disciple de Jacques Vallée qui voit les ovnis comme les manifestations d’une « Intelligence supérieure » ou de « Gaïa », il considère l’hypothèse de soucoupes d’origine extraterrestre comme de la désinformation ! Il est cité ainsi dans la revue Nexus de juin-juillet 2011 (page 80) : « Comme le fait remarquer Fabrice Bonvin, le propre de la désinformation ufologique à l’œuvre depuis 1950 est de promouvoir l’hypothèse extraterrestre tout en discréditant simultanément le phénomène ovni, une thèse qui se vérifie dans toute l’histoire de l’incident de Roswell, du communiqué du 8 juillet au livre du colonel Corso. » Quelle confusion !
Je signale que Fabrice Bonvin a réagi à mon article dans une lettre où il conteste cette présentation de ses idées par la revue Nexus. Avec son accord, je publie sa lettre à la fin de cet article, mais avec mon propre commentaire.
Ainsi, pour beaucoup d’auteurs, souvent adeptes des idées de Jacques Vallée, le mot d’ordre reste : « Tout plutôt que des engins extraterrestres ! ». Dès lors, on comprend mieux pourquoi cette idée des soucoupes volantes néo-nazies, responsables supposées des premières observations de 1947 et des années suivantes, continue à avoir du succès.
Ce nouveau livre américain est une bonne occasion de revenir sur des études, peut-être un peu oubliées, qui ont déjà tordu le coup à cette légende. Citons-en au moins deux. La première est de Joseph Altairac, publiée sous le titre « La légende du V7 » dans la revue Scientifictions (Numéro 1, volume 2, Encrage 1997). Son titre se réfère à la soucoupe nazie la plus connue, le légendaire « V7 » apparu dans la presse pour la première fois – mais pas la dernière ! – en 1952. Altairac est un sceptique, - courtois, soulignons-le - mais son étude est remarquable et doit être citée ici. Il faut également citer celle de Jean Sider, parue en juin 2001 (Inforespace No 112) sous le titre « Le mythe des soucoupes volantes nazies ». Sider s’est appuyé sur le travail d’Altairac, qui avait une importante documentation, et son article est un résumé très solide de la question, dont je vais citer quelques éléments, avec son aimable autorisation.
Quelques points clé dans l’article de Jean Sider
On ne trouve pas une seule trace du V7 dans les livres d’historiens de l’aéronautique :
« …tout ce qui concerne les prétendues soucoupes volantes nazies, provient de la grande presse classique à partir de 1950 pour l’Allemagne, la terminologie V-7 apparaissant pour la première fois en 1952...dans un quotidien français ! »
Les Américains pouvaient-ils avoir de telles soucoupes en 1947 ? Jean Sider cite le fameux livre du capitaine Ruppelt Face aux Soucoupes Volantes, (France Empire 1958. Ed. orig. : The Report on Unidentified Flying Objects, 1956) :
« A la fin de 1947(...) tous les renseignements relatifs aux recherches aéronautiques des Allemands pendant la guerre, étaient étudiés pour voir si les Russes avaient pu tirer des soucoupes volantes de leurs plans. Les ingénieurs calculèrent les performances maximum que l’on pouvait réaliser avec ces plans. Ils prirent même contact avec les constructeurs, qui répondirent catégoriquement: ‘Non, aucun aéroplane ne pouvait accomplir les manœuvres attribuées aux ovnis’. Le laboratoire aéromédical fit la même réponse: « L’organisme humain est incapable de résister à ces manœuvres ». Les constructeurs américains affirmèrent qu’aucun métal connu ne pouvait supporter les charges imposées par ces manœuvres et la chaleur développées aux vitesses élevées ».
Sider cite avec à propos l'Air Intelligence Report de décembre 1948 qui s’interrogeait sur la possibilité d’une confusion avec des avions secrets, et dressait la liste des engins et projets nazis qui auraient pu induire une telle confusion :
« Au reste, dans l’Air Intelligence Report n°100-203-79 du 10 décembre 1948 (déclassifié le 7 mars 1985), Appendice D, sont énumérés les projets d’appareils sans queue (aile-delta et aile-volante) qui auraient pu être associés éventuellement aux soucoupes volantes, à savoir:
- Le chasseur de nuit Arado, projet 1, à aile basse. - Le chasseur Arado, monoréacteur, à aile haute. - Le chasseur Gotha P-60 A, aile volante, biréacteur. - le chasseur Heinkel P-1080, aile volante. - Le bombardier Junker EF-130, aile volante, à réaction. - Le monoplan ME-329 (Messerschmitt), bimoteur. - Le Horten 229, aile volante, biréacteur. »
« On voit qu’il n’était pas question, dans ce document classé « Top secret », de la moindre soucoupe du genre « V7 », « Haunebu » ou « Vril », souvent citées. Il faut rappeler ici le foisonnement incroyable de rumeurs sur les soucoupes nazies qui ont commencé à apparaître à partir des années 50. Mais soulignons-le, il n’y a pas trace de tels engins dans la littérature et la presse des années précédentes, pourtant friandes de révélations sensationnelles sur les armes secrètes du IIIème Reich. »
Voici comment sont apparues les pseudo-révélations sur le V7, telles que les résume Jean Sider :
« - Le « disque volant » de Rudolf Schriever. Cet homme donna une interview dans le périodique allemand Der Spiegel du 30 mars 1950. Il prétendit que son appareil, qui n’exista que sur plan, était censé faire 15 mètres de diamètre et pouvoir atteindre 4 000 km/h ! Une pareille vitesse augure déjà d’une mystification, au mieux d’une très nette exagération. Deux ans plus tard, une autre revue allemande, Die 7 Tage du 27 juin 1952, consacre un article à Rudolf Schriever, dans lequel il se trouve de grosses contradictions par rapport à ses précédentes allégations. En effet, il est dit que cet engin fut construit pendant la guerre et testé une première fois en avril 1945, mais il ne put quitter le sol et fut détruit avant l’arrivée des troupes Alliées. De même que la terminologie V-7 apparaît dans le texte, ce qui constitue une « première » pour l’Allemagne.
« - Le V-7 de Richard Miethe. La terminologie V-7 apparaît pour la première fois au monde dans...France-Soir des 7 puis 14 juin 1952, soit dans un journal français et non allemand ! C’est très probablement la source à laquelle Die 7 Tage fait allusion à propos de Schriever, comme on l’a vu plus tôt. Il s’agit d’une interview de l’ingénieur Richard Miethe, lequel affirme avoir construit un prototype « que nous nommions déjà V-7 » (sic), dès 1944. Il prétend que cet engin faisait 42 m de diamètre et qu’il pouvait monter à 20 000 m, à l’aide des douze turbines dont il était équipé ! Ces chiffres démontrent déjà l’inanité d’une telle réalisation, car ils sont nettement supérieurs aux capacités de l’époque concernée. Miethe assura aussi que les premiers vols au-dessus de la mer Baltique furent couronnés du plus grand succès... Charles Garreau, dans Alerte dans le Ciel, 1956, pages 201-210, évoque également Miethe, ses déclarations de 1952 dans France-Soir, puis affirme que le premier V-7 vola le 17 mai 1944 à une vitesse de 2 500 km/h ! Même un ingénieur allemand de renom, Rudolf Lusar, publia ces informations dans un livre sur les armes secrètes du IIIème Reich, dont la publication Bild am Sonntag du 7 février 1957 se fit l’écho. Toutefois, bien que l’auteur de l’article ait utilisé la terminologie V-7 dans son texte, Rudolf Lusar ne la mentionne aucunement dans son livre, semble-t-il. Lusar semble avoir fait confiance à des sources l’ayant précédé, et n’ayant aucune crédibilité, ce qui ne fait pas très sérieux pour l’expert qu’il prétendait être... Chose curieuse mais significative, Schriever et Miethe ne semblaient pas se connaître, car aucun d’eux ne signale l’existence de l’autre ! A noter que beaucoup d’auteurs se sont fiés aux assertions de Rudolf Lusar pour propager le mythe des « soucoupes » nazies... »
Voici encore quelques autres « révélations » qui ont alimenté ce mythe des soucoupes nazies, citées par Jean Sider :
« - Le premier « disque volant » d’Habermohl et Schriever. Il aurait volé à Prague le 14 février 1945, s’il faut s’en remettre aux allégations d’un certain Georg Klein, ingénieur, dans une interview donnée au journal allemand Welt am Sonntag du 25 avril 1953. Klein prétend avoir été témoin du vol, et que l’engin aurait atteint 12 400 m en trois minutes puis une vitesse horizontale de 2 200 km/h ! Il pouvait même voler à 4 000 km/h ! Une fois de plus, les performances avancées sont beaucoup trop élevées pour accorder du crédit aux propos du sieur Klein, lequel a précisé aussi que ce « disque volant » faisait 16m de diamètre et que sa construction commença en 1942. C’est un journal suisse, La Tribune de Genève, du 18 novembre 1954, qui se permit de rapporter ces élucubrations.
« - L’engin circulaire de l’Italien Giuseppe Belluzo. Selon Charles Garreau, il faisait 10 m de diamètre. D’autres sources associent Belluzo à Schriever, Miethe et Habermohl, en écorchant son nom à presque chaque citation. Belluzo était ingénieur expert en turbines et il fut même ministre en 1925. En 1950, il admit n’avoir œuvré que sur des plans qui auraient été perdus, d’après ce qu’affirme Der Spiegel du 30 mars 1950.
Voici encore d’autres pseudo-soucoupes nazies, citées par Jean Sider, qui ont fait couler beaucoup d’encre :
« - Les « Haunebu II, Haunebu III, et Vril ». Ces appellations désignent des soucoupes allemandes totalement imaginaires. Elles apparaissent pour la première fois en 1991 à Vienne (Autriche), dans deux délirantes cassettes vidéo titrées UFO Secret of WWII German Flying Saucers, pour la première, et Secrets of the Third Reich, pour la seconde (du moins pour les versions anglaises, car ces bandes ont été éditées initialement en allemand). « Haunebu » est le nom donné par Jürgen Spanuth dans Le Secret de l’Atlantide (Copernic, 1977, page 23), au peuple nordique venu d’Héligoland qui aurait, d’après lui, envahi l’Egypte ancienne. Quant au second terme, « Vril », il est encore plus vieux et semble trouver ses racines dans une langue orientale très ancienne. Il est très connu des ésotéristes, certains d’entre eux affirmant qu’il vient de « Vri », qui signifiait « vie » dans la langue « atlantéenne », selon Vril, or Vital Magnetism, ouvrage anonyme édité en 1911, (le volume 6 de l’Enseignement Caché, la doctrine secrète de l’ancienne Atlantis, l’Egypte, la Chaldée, et la Grèce). D’ailleurs, une société secrète berlinoise s’était créée dans les années 1930 qui se faisait appeler « La Loge Lumineuse » ou « Société du Vril », information révélée par l’ingénieur Willy Ley en 1933 lorsqu’il s’enfuit d’Allemagne pour rejoindre les Etats-Unis, s’il faut se fier au tandem Bergier & Pauwells dans Le Matin des Magiciens (Gallimard, Folio 1960, page 351). Compte tenu de l’esprit totalement fantaisiste des informations livrées dans ces cassettes, il ne faut pas s’étonner si les modèles « Haunebu II » et « Haunebu III », ressemblent à s’y méprendre à la trop belle soucoupe du célèbre contacté américain George Adamski. »
Prétendues photos de Haunebu II circulant sur le web Site http://discaircraft.greyfalcon.us/HAUNEBU.htm
Prétendue photo de soucoupe « Vril » (Jan Van Helsing 1995,11 reproduite par J. Altairac)
Il faut dire aussi un mot des mystérieux « foo fighters », ces mystérieuses boules lumineuses qui accompagnaient les avions pendant la guerre. Les aviateurs craignaient qu’il s’agisse d’armes secrètes allemandes, et réciproquement. Le mystère demeure mais on les cite encore aujourd’hui, à l’appui de la thèse des soucoupes nazies… Allez, citons-en encore Jean Sider sur un modèle supposé de soucoupe nazie, et arrêtons-nous là :
« - La « soucoupe volante » de Viktor Schauberger, sujet autrichien. Schauberger était un authentique inventeur quelque peu excentrique qui aurait construit plusieurs modèles d’engin circulaire fonctionnant par électromagnétisme (sic), ce qui est plutôt vague. Un certain Helmut Hofmann, qui signa un appendice dans le livre d’Olof Alexandersson, Living Water, Viktor Schauberger and the Secret of Natural Energy , prétend qu’un « disque volant » de Schauberger, sans pilote, fut testé le 19 février 1945 près de Prague. En trois minutes, il serait monté à 15 000 m d’altitude pour prendre ensuite une vitesse horizontale de 2 200 km/h ! Ces dernières précisions ressemblent beaucoup à celles prêtées à l’ingénieur Klein citées auparavant à propos du « disque volant » d’Habermohl et Schriever. L’énergie naturelle ? Que signifie cette terminologie plutôt vague ? Il s’agit probablement d’une fiction supplémentaire... »
Notons quand même que Nick Cook, un journaliste d’aviation britannique d’une certaine réputation, a pris au sérieux cette recherche de Schauberger, qui semble pourtant bien marginale, ainsi que pas mal de rumeurs sur les soit disant soucoupes nazies, dans un livre remarqué, paru en 2001, The Hunt for the Zero Point. Mais il faut savoir que Nick Cook est connu pour être proche des milieux du renseignement, britanniques et américains…
La question du « debunking »
En l’occurrence, le livre de Nick Cook, après bien d’autres, pose la question de la désinformation et du « debunking », comme le souligne Jean Sider à la fin de son article. J’en cite les points principaux, sur lesquels je suis pratiquement entièrement d’accord :
«Il se pourrait que les Américains aient volontairement « planté » de fausses informations à partir des années 1950, auprès des gens de presse faciles à berner, surtout en matière de nouvelles sensationnelles. Le but de l’opération aurait été double :
1- Faire croire dans l’esprit du public que les ovnis n’étaient pas des engins extraterrestres, mais des armes secrètes capturées sur les Allemands en 1945, ou construites d’après leurs plans, et testées aussi bien par les Soviétiques que par l’oncle Sam et ses alliés.
2- Dans la même perspective, convaincre les hauts responsables du pouvoir américain que certains ovnis, pour ne pas dire tous, étaient des réalisations soviétiques récupérées sur les Nazis. Ceci, afin d’obtenir des budgets colossaux dans le cadre de la défense nationale. »
Il me semble que le premier point, au moins, de Jean Sider, écrit il y plus de dix ans, s’applique fort bien au nouveau livre d’Annie Jacobsen. Comme par hasard, son histoire lui a été « révélée » par un ancien ingénieur de la Zone 51, soupçonnée d’abriter des laboratoires de recherche, non pas sur des soucoupes nazies, mais sur des soucoupes extraterrestres, une question qui reste ouverte, à mon avis. Je renvoie le lecteur à mon livre Ovnis. Vers la fin du secret ? Editions JMG, 2010).
Rien à Groom Lake avant 1955
Il y a une petite précision à apporter ici : la base de Groom Lake, dans la Zone 51, n’a commencé à se développer qu’en 1955, pour les essais en vol du nouvel avion espion U2. Avant cela, il n’y avait qu’une piste sur le lac asséché, dans cette région quasi-désertique, proche de la zone des essais atomiques. Cela est bien raconté dans le livre de Phil Patton Travels in Dreamland. The Secret History of Area 51 (Orion media, 1997). En 1954, la société Lockheed devait mettre au point rapidement l’avion espion U2. Ce projet était très secret et il leur fallait un terrain plus à l’abri que celui d’Edwards en Californie. C’est ainsi qu’ils s’installèrent à Groom Lake au début de 1955. Les travaux d’installation, raconte Patton (page 84), commencèrent avec 75 personnes pour préparer la piste, installer des « mobile homes » et des hangars. Autrement dit, il n’y avait quasiment rien à Groom Lake, jusqu’en 1955, pour accueillir, ni la soit disant soucoupe néo-nazie, ni la vraie soucoupe de Roswell, laquelle avait été acheminée, selon pas mal de témoignages, vers la base de Wright dans l’Ohio. En outre, le site était assez proche des lieux d’essais atomique dans l’atmosphère qui eurent lieu de 1951 à 1958, notamment à Yucca Flat, et le personnel devait se mettre à l’abri des retombées de temps à autres ! C’est seulement dans les années 80 que l’on a commencé à évoquer des études secrètes sur les ovnis à Groom Lake, avec le témoignage de Robert Lazar, qui reste à ce jour très controversé. Ainsi, le témoignage de l’ancien ingénieur des essais atomiques ne tient pas non plus lorsqu’il raconte que la soucoupe de 1947 avait été amenée à la Zone 51…
Pour conclure, la version de Roswell « révélée » par Annie Jacobsen est tellement insensée d’un bout à l’autre, que l’on peut se demander s’il ne s’agit pas, tout simplement, d’une manœuvre grossière de désinformation. C’est le maître de la propagande de nazie, Goebbels, qui disait que, plus gros est le mensonge, mieux il a des chances de marcher ! Voici, pour illustrer cette idée, une vision époustouflante de la mythique soucoupe Haunebu, trouvée sur le Net. Avec ses tourelles de mitrailleuses, s’il vous plait !
Une version géante de la mythique soucoupe « Haunebu » selon Rob Arndt Source : http://discaircraft.greyfalcon.us/HAUNEBU.htm
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Annexe : la réaction de Fabrice Bonvin
Fabrice Bonvin a réagi à mon article, par lettre du 21 juillet dernier. Je lui ai proposé de la publier en annexe, mais avec mon commentaire, et il a accepté volontiers. La voici donc, avec mon commentaire à la fin.
Bonjour Gildas,
Comment vas-tu depuis notre rencontre à Annecy ?
J'ai lu ton dernier article sur ton blog à propos de Jacobsen et l'ai trouvé fort intéressant. Bravo !
Tu parles de moi, tout le plaisir est pour moi. A ce propos, je souhaiterais apporter quelques commentaires sur ce passage :
"Quant à Fabrice Bonvin, un disciple de Jacques Vallée qui voit les ovnis comme les manifestations d’une « Intelligence supérieure » ou de « Gaïa », il considère l’hypothèse de soucoupes d’origine extraterrestre comme de la désinformation ! Il est cité ainsi dans la revue Nexus de juin-juillet 2011 (page 80) : « Comme le fait remarquer Fabrice Bonvin, le propre de la désinformation ufologique à l’œuvre depuis 1950 est de promouvoir l’hypothèse extraterrestre tout en discréditant simultanément le phénomène ovni, une thèse qui se vérifie dans toute l’histoire de l’incident de Roswell, du communiqué du 8 juillet au livre du colonel Corso. » Quelle confusion !"
D'abord, je ne suis pas un disciple de Jacques Vallée comme un dévot vénérerait Hare Krishna. Le terme est un peu fort : je ne voue pas une adoration dévotionnelle à JV, je n'ai pas de portraits à son effigie dans mon salon, ni de statues dans ma chambre. Toutefois, il est à mes yeux un théoricien de premier plan de l'ufologie et incarne l'essence même de l'ufologue, au même titre que James McDonald, par exemple. Je crois savoir que cet état de fait est partagé par une majorité de la communauté ufologique, qu'on soit d'accord avec les prises de position de JV ou non... Ensuite, concernant Nexus : la confusion vient de l'auteur de l'article et non de moi. A aucun moment je n'ai dit ou écrit que l'incident de Roswell est une illustration d'une désinformation mêlant promotion de l'HET combinée à du debunking. Je m'exprime rarement sur l'affaire de Roswell, je ne maîtrise pas suffisamment ce dossier complexe pour le faire, je te laisse le soin de le faire, après tout c'est toi l'expert !
Toutefois, j'ai écrit (notamment dans mes livres), en substance, que :
- dès 1949 s'est mise en place une politique de debunking auprès du grand public (toujours opérationnelle à ce jour)
- dès 1952 s'est mise en place, parallèlement, une politique visant à promouvoir discrètement l'HET pour écarter d'autres hypothèses et ridiculiser le dossier. A mon sens, les autorités se sont assez rapidement rendues compte que le phénomène OVNI est lié aux nucléaires et en particulier aux essais nucléaires (voir mon article à paraître prochainement dans Nexus) et que les propriétés du phénomène relevaient davantage d'une origine de type gaïenne qu'extraterrestre....
Ces politiques se sont notamment vérifiées par les actions recommandées de la commission Robertson et par l'explosion de livres de contactés dès 1953, mouvement d'ailleurs appuyé par la CIA ; ou encore par l'article d'avril 1952 paru dans Life Magazine ; ou par l'infiltration d'agents de la CIA au sein du NICAP, eux aussi "promotionnant" l'HET...
Donc, l'auteur de l'article de Nexus me fait dire des choses que je n'ai jamais dites ou écrites. Et soit dit en passant, je n'ai rien contre l'HET, je peux tout-à-fait concevoir des origines multiples au phénomène OVNI et conçois que des apparitions soient bien le fait d'intelligences extraterrestres. Toutefois, l'ensemble des manifestations ne se limitent pas, à mon avis, à ces visiteurs d'outre-espace et l'origine gaïenne du phénomène reste un candidat sérieux à l'identification de l'origine de ces phénomènes.
Bien à toi,
Fabrice
Mon commentaire :
Merci, Fabrice, de préciser ainsi ta position qui, je le vois, a été déformée par la revue Nexus, laquelle, on le sait bien, ne brille pas par l’exactitude. Je vois donc que tu n’exclus pas l’hypothèse extraterrestre, ou « HET », mais tu mets toujours en avant l’hypothèse « gaïenne » qui, pour moi, est de nature ésotérique et incompréhensible. C’est ton droit.
En revanche, je conteste formellement que les militaires américains aient pu « promouvoir discrètement l’HET », pour cacher cette nature « gaïenne » du phénomène ovni. Toute l’histoire de l’ufologie américaine montre au contraire que les militaires ont nié l’existence même des ovnis, et les historiens sérieux de l’ufologie américaine n’ont cessé de le souligner, depuis le capitaine Ruppelt jusqu’au physicien Bruce Maccabee, pour ne citer qu’eux. Cette politique a commencé avec le démenti de Roswell en 1947, a continué avec la dissolution de la commission « Sign » fin 1948, et a été avalisée par la commission Robertson en janvier 1953, qui a recommandé le « debunking » des ovnis. Si l’on a alors, peut-être, encouragé discrètement certains « contactés », c’était à l’évidence pour mieux ridiculiser l’ufologie. Cette politique de négation des ovnis persiste encore au Pentagone aujourd’hui, mais elle paraît de plus en plus isolée, et insolite.
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